Comme si nous étions déjà libres

Un p’tit tour au Canada où l’inexténuable Francis Dupuis-Déri multiplie les études acérées sur l’anarchisme à travers les âges et les continents.

On vous a déjà ardemment recommandé son histoire minutieuse du mot Démocratie et son portrait des Black Blocs, parus l’un et l’autre chez Lux1. Le bougre, depuis, n’a pas tiré au cul. Son À qui la rue ? (Ésociété) fait le point sur les répressions policières s’étant abattues en Europe et en Amérique du Nord sur le mouvement alternatif. Rien que pour les événements du Printemps d’érable, on a relevé 4 500 arrestations. À noter que ce qui est neuf depuis 2010 au Québec, c’est moins l’extrême sauvagerie des charges de cognes que celles des termes employés dans la presse bourge pour dépeindre les manifestants. Tous des «  scumbags », soit des sacs à foutre, lit-on dans le Toronto Sun. Ou alors des «  bastards » et des « violent slugs » (de violents mollusques). Une leçon à retenir. Le sac à foutre Manuel Valls ou le mollusque violent Copé, ça sonnerait pas mal.

Dans L’Anarchie expliquée à mon père, puis dans le brûlot collectif Nous sommes ingouvernables (Lux tous les deux), dans lequel il a trempé, Francis Dupuis-Déri balance à son paternel que l’anarchisme n’est pas réservé qu’aux lendemains qui chantent, qu’on peut expérimenter au présent une certaine vie libertaire-utopiste comme l’ont fait des bandes d’insurgés québécois, parmi lesquels La Clac (la Convergence des luttes anticapitalistes), La Nefal (la Fédération des communistes anarchistes du Nord-Est), le groupe Émile-Henri porté sur les actions très directes qui deviendra le redoutable collectif La Nuit, sans oublier les anarcho-indigénistes guerroyant aux côtés des peuples autochtones en résistance ou les féministes déchaînées de Némésis. Toutes ces fortes têtes ont eu en commun d’avoir envoyé aux balançoires dans leurs groupes et dans leurs conspirations toute forme de pouvoir hiérarchisé et tout esprit de discipline militant, et d’avoir opéré comme s’ils étaient déjà libres.

Comme si nous étions déjà libres, c’est le titre d’un formidable essai de l’anthropologue déviant David Graeber2 (édité également par Lux) qui fut à l’origine du mouvement Occupy Wall Street. Pour notre crack, le meilleur moyen d’en finir avec le « mafia capitalisme » est de jeter les bases d’une démocratie réellement directe et attrayante « où chacun serait libre de se consacrer entièrement à une infinie variété d’activités », et de tenter le coup immédiatement. « Réapproprions-nous le communisme », s’écrie Graeber, main dans la main avec l’ensemble des Indignados de la planète. Comment ? «  En élargissant les zones de liberté déjà présentes dans notre monde jusqu’à ce que la liberté serve de principe d’organisation absolu. » Et que le nouveau « socle de la collectivité », ce soit le respect des différences les plus irréconciliables. Et puis aussi, au diable les demi-démesures, l’utilisation du « potentiel inexploré de la loterie ».

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1  Les Black Blocs, Lux, 2007 et Démocratie. Histoire politique d’un mot, Lux, 2013.

2 Voir CQFD n°117.

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