Brèves du 90

Monsanto prend le melon > Le géant industriel des semences vient de déposer un brevet sur une nouvelle race de melons résistants, et l’Europe a applaudi des deux mains. L’exploit est de taille. Des paysans indiens sont parvenus, grâce à une agriculture empirique vieille de plusieurs siècles, à développer des fruits naturellement résistants à certains virus. Monsanto a appliqué la méthode à d’autres espèces, puis a appelé ça une invention et dispose donc aujourd’hui des droits sur le matériel génétique rendant les melons résistants. Et si on déposait un brevet sur la résistance à l’escroquerie ?

Vite > Destinée aux pauvres, la bagnole nommée Dacia Logan peut atteindre, selon le constructeur, la vitesse maxi de 175 kilomètres-heure. Pour ceux qui se la pètent Indiana Jones du feu rouge et aiment à regarder de haut leurs voisins bloqués, comme eux, dans les embouteillages, l’Audi Q7 annonce un joli petit 213 au compteur. Pourtant, lors des polémiques récentes sur les radars préventifs ou répressifs, les industriels n’ont jamais été désignés comme responsables des excès de vitesse. C’est qu’il ne faut pas confondre liberté de marché et liberté de rouler.

À table ! > Les autorités sanitaires et les industriels sont en voie de régler définitivement son compte au mystère des empoisonnements. La haute instance du Conseil national de l’alimentation vient de plébisciter le retour des farines animales dont les prouesses nutritionnelles avaient fait leurs preuves dans les années 1990 avec la propagation du syndrome de la vache folle. Une fois la totalité de la chaîne alimentaire contaminée, qui se souciera de rechercher tel ou tel responsable ? Et en l’absence de menu alternatif, une grève générale de la faim n’aura même plus lieu d’être.

À l’ancienne > « Huit ans que j’attendais une promotion ! » Christian travaille à l’agence France Télécom de Montauban. Après vingt-huit ans de carrière, le DRH lui promet, en février 2011, un changement de poste agrémenté d’une augmentation de salaire. Depuis, rien ! L’entreprise lui doit aujourd’hui 321,21 euros, soit l’équivalent de 70 euros mensuels. En désespoir de cause, le 1er juin, Christian a entamé une grève de la faim en vue d’accélérer le règlement de l’impayé. Mais il est vrai que chez France Télécom, chaque fois qu’un salarié a eu lancé un SOS, la direction a toujours rétorqué qu’il n’y avait pas le feu.

Enfin seuls > En un an, le prix des terrains et des maisons de la petite commune de Bugarach, dans le département de l’Aude, s’est vu multiplié par trois et même plus. Spéculation immobilière ? Non pas. Juste l’effet logique de la prédiction d’un maître en sciences occultes affirmant que le village sortira totalement indemne d’une fin du monde annoncée pour 2012. Des Russes, des Chinois et même des Marseillais, selon le maire, se seraient déjà portés acquéreurs de propriétés dans l’espoir de se retrouver tout seuls dans un monde dévasté. Curieux : un tel résultat semble d’ores et déjà atteint dans n’importe quel ghetto de riches sans pour cela être obligé d’attendre que ne se déclenche l’Apocalypse.

Enfer et contre tous > Construire de nouvelles places de prison, au besoin dans des camps militaires, limiter les aménagements de peine, infliger un « service civique » aux mineurs récidivistes, confier au pouvoir exécutif les décisions à propos de l’application des peines, obliger les RSAistes à travailler gratis cinq à dix heures par semaine au risque de voir réduite leur allocation… Présentées par Éric Ciotti, secrétaire national à la sécurité et député UMP, pour les premières, et par Jean-François Copé pour la dernière, voilà donc les mesures phares prônées suite au discours de Sarkozy qui, à Davos le 28 janvier 2011, avait déclaré : « Les paradis fiscaux…, ce n’est plus tolérable ! »

Ces fous qui nous gouvernent > Le 13 mai dernier, le Sénat a adopté le projet de loi relatif aux soins psychiatriques qui facilite notamment l’hospitalisation sans consentement. Face à ce grand « renfermement », selon l’expression de Michel Foucault, les professionnels de la profession ne désarment pas et ont déjà lancé force pétitions, appels et manifestations. L’émoi pourrait être encore plus général quand on sait que les troubles mentaux sont particulièrement affectés par une pratique plus que discutable : le disease mongering ou élaboration de nouvelles maladies au profit de l’industrie pharmaceutique. À quand les quinze jours d’internement dans son asile de proximité pour un petit coup de déprime au boulot ?

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