Edito : Le retour de l’ombre des ténèbres
« Ce sont souvent des jeunes qui s’instruisent, qui écoutent le discours des politiques, qui écoutent les journalistes, qui nous détestent tous et veulent en découdre. »
(Dominique Rizet, consultant justice/police de BFM TV, 26 octobre)
Tremblez, braves gens ! Planquez femmes et enfants ! Blindez vos portes ! Fuyez les cagoules ! Car oui : ILS sont de retour. Toujours aussi flippants. Prêts à semer chaos et destruction. Qui ça ? Nos Huns contemporains, bien sûr : ladite « nébuleuse de l’ultragauche ». Qui en plus se pique de « s’instruire », désormais. Alerte noire.
Et ce ne sont pas des paroles en l’air. Quand des organes de presse aussi dignes de foi que Le Parisien (« Inquiétante ultragauche »), Le Figaro (« Vandalisme : l’ombre de l’ultragauche ») ou BFM (« Incendie d’une gendarmerie à Meylan : l’ombre de l’ultragauche ») tirent la sonnette d’alarme, c’est qu’il y a péril en la demeure. Rappelez-vous « l’affaire de Tarnac » : le champ lexical était le même, les réactions politiciennes aussi. Et on était bien content d’ainsi être tenus au courant de ce qui se tramait dans l’ombre, à savoir le chaos. Certes, tout ça a fait pschitt dans les grandes largeurs. Mais ça aurait pu être vrai...
Cette fois-ci : pareil, on flippe. Une gendarmerie qui crame par-ci, une ligne THT sabotée par-là, quelques voitures de DRH qui partent en fumée. Et voilà la « Nébuleuse » de retour. En pire. Il y aurait ainsi plus de filles impliquées, frissonne Le Parisien, qui explique aussi que l’effrayant Julien Coupat prendrait des taxis pour échapper aux filatures. Lequel a l’outrecuidance de persifler dans Lundi Matin [1] : « Malgré l’immensité des moyens qui leur sont alloués, c’est toujours le même scénario mal ficelé [...] que l’on ressort du même tiroir poussiéreux. »
D’aucuns ont beau dire que tout ça est exagéré, voire mis en scène. Mais nous, au Chien Rouge, on sait bien que l’ultragauche est un vrai péril pour la démocratie. Beaucoup plus que le détricotage du système social, la mise à sac de la planète ou l’ahurissante morgue des puissants au pouvoir.
D’ailleurs, nos sources policières le confirment : la France a peur. Derechef. Il se murmure même que de dangereux gauchistes se tapiraient dans les ténèbres de locaux enfumés pour pondre des canards irrévérencieux, allant jusqu’à écorner l’image présidentielle. Du terrorisme visuel au terrorisme réel, il n’y a qu’un pas. On va donc surveiller tout ça. Et dans le prochain numéro, il y aura un dossier « Injures anti-Macron : l’ombre de l’ultra-gauche ». Il faut bien ça pour relancer les ventes.
Macron-sternant !
« Je serai d’une détermination absolue et je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. Et je vous demande d’avoir, chaque jour, la même détermination. » Jupiter-à-terre, septembre 2018.
« T’inquiète, mec, on est déter’ ! » La rédaction de CQFD, octobre 2018
Mépris de classe : Quand la rue répond à Macron > Les sorties présidentielles sur les fainéants en T-shirt qui foutent le bordel se sont multipliées depuis l’accession au trône d’Emmanuel 1er. Elles ne laissent pas le bon peuple indifférent. Propos ramassés dans et autour de la manif du 19 octobre à Marseille.
Pas de fainéants au salon des entrepreneurs : "Rêver où personne n’a rêvé !" > Octobre 2017 : Marseille accueille le Salon des entrepreneurs. Le Chien rouge m’a demandé d’y faire un tour, pour voir ce que « la startup nation » chère à Macron pensait de la fainéantise. Cerise sur le CAC 40, je devais ramener le témoignage d’un dirigeant gratiné. Un vrai. « Un cost-killer, mon petit Totof », a précisé le rédac-chef. « Affirmatif », j’ai répondu.
Monsieur le président, on vous fait une lettre > Poster hommage d’insultes à notre président tant admiré.
RSA et assedics : Mais ils sont où les fainéants ? > Ils animent un lieu collectif. Font vivre des médias libres. Mettent la main à la pâte militante. Et vivent, ou survivent, grâce aux minima sociaux ou aux Assedics. Proches de CQFD ou participant au journal, ils appartiennent de fait à cette frange contestataire à laquelle pensait Macron en fustigeant les « fainéants et extrêmes ». Des fainéants, eux ? Tout le contraire, bordel.
Actu de par ici
Kokopelli, les graines de la discorde : Mère nature et père fouettard > Avis aux blogueurs passionnés de permaculture mais critiques sur l’évolution de l’association de sauvegarde des semences Kokopelli : ils ont intérêt à la boucler, au risque d’un procès en diffamation. Pour les journaux, par contre, pas de problème. C’est que l’association choisit soigneusement qui elle décide d’attaquer.
Élèves migrant.e.s dans le 93 : Classes vides, enfants en rade > Ubuesque ! En Seine-Saint-Denis, des enfants attendent des mois avant de pouvoir rejoindre leur classe. Pendant ce temps, leurs professeurs font cours dans des salles presque vides. Alice Groult, enseignante au collège Jean-Moulin d‘Aubervilliers, revient pour CQFD sur la scandaleuse situation de ces classes d’accueil.
Entretien avec Christine Ribailly : La prison, une entreprise de destruction sociale > Il n’y a pas de bergère sans loup. Celui de Christine Ribailly, qui élève des moutons dans le Tarn, ça a été la prison. Elle y visitait son compagnon et est vite devenue la bête noire des matons, à qui elle ne laissait rien passer. Jusqu’à croupir derrière les barreaux à son tour. À force d’outrages, rébellions et violences, elle y a passé quatre ans, dont la moitié à l’isolement ou au mitard. Parcours d’insoumise.
Cauchemar minier : Châteaux en Bretagne > Pour toutes sortes de besoins industriels, la pénurie de sable guette. Dans la baie de Lannion (Trégor, 22), c’est une dune sous-marine qui attise les convoitises du groupe Roullier, leader européen des fertilisants. Mais une forte opposition locale, menée par plusieurs associations et collectifs d’habitant.e.s, dont « Le Grain de sable dans la machine » (qui répond ici aux questions du Chien rouge), est en train de lui couper l’appétit.
Modernisation de la distribution du courrier : Poste apocalypse > La dématérialisation du courrier – les mails, quoi – mettrait à mal la pérennité de La Poste, selon sa direction. Et justifierait les attaques répétées contre le métier de facteur. La devise de l’un d’entre eux, Serge Reynaud, reste toutefois celle‑ci : ne pas plier.
Actu de par ailleurs
Pouvoirs publics à l’abandon : Le Portugal à feu et à cran > À en croire nos plus brillants analystes, le Portugal sort la tête de l’eau après avoir subi les affres de l’austérité. Mais derrière les chiffres clinquants d’une croissance sur le retour se cache une tout autre réalité : celle d’une population abandonnée à son sort par les pouvoirs publics. Chronique d’un État qui se dévoie et d’un peuple portugais qui s’organise.
Startupisation de l’assurance chômage : Un axe Berlin-Marseille contre la broyeuse à chômeurs > Invité par CQFD, un collectif de précaires berlinois sera à Marseille le 11 novembre pour partager son expérience de lutte contre les dispositifs de flicage et de mise au turbin des chômeurs. Hartz IV ou Macron 1er, même combat !
Séquelles militaires françaises en Algérie : Mines antipersonnel, merci colon ! > Pendant la guerre d’indépendance algérienne, l’armée française a truffé le pays de millions de mines. Puis elle a attendu 45 ans avant de partager ses cartes des zones piégées. Depuis 1962, les victimes se comptent par milliers. Et ce n’est sans doute pas terminé.
Déni de mémoire à l’est de la Bosnie : Višegrad, la ville qui a coupé le pont avec son passé > En 1992, des milices serbes ont massacré les populations musulmanes de Višegrad, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine. Une histoire terrible, beaucoup moins connue que d’autres épisodes du conflit yougoslave. Et pour cause : tout est fait pour occulter ce passé, des actions de la municipalité aux délires d’un certain Kusturica. Reportage.
Lectures et cultures de partout
Conversation avec Alèssi Dell’Umbria : Telle la tarentelle... > Après avoir campé l’universalité d’une histoire de Marseille que l’histoire officielle s’entête à provincialiser, Alèssi Dell’Umbria rend hommage dans Tarantella ! aux pratiques musicales et à certains rituels magiques d’un Sud italien prétendument attardé. Discussion à bâtons rompus.
Migrants à Vintimille : La mémoire d’un camp autogéré > Un bel ouvrage retrace la vie du Presidio, camp éphémère de migrants et de leurs soutiens. Celui-ci a pris forme quelques semaines en 2015 en bord de mer, à quelques encablures de Vintimille, tout contre la frontière...