Et si c’était le flow le plus cool depuis MC Solar ? Peu de chance pourtant d’entendre l’1consolable sur Skyrock ou France Inter… Sur une base de guitare minimaliste ou de contrebasse jazzy, ce frêle garçon déroule des diatribes incompatibles avec la guimauve radiophonique. « J’ai l’blues du taf, alors j’me casse à la caf » : en 2009, l’ami rappait depuis le fond d’une chaise longue dans la salle de concert de la MJC de Martigues, bastion rouge de la périphérie marseillaise. Ce soir-là, CQFD animait dans la foulée un débat sur la critique du travail [1]. Surprenant : les prolos présents étaient sensibles à nos arguments, contrairement à certains travailleurs de la culture, militants du PCF, qui avaient du mal à cacher leur agacement.
Deux ans plus tard, un CD vient confirmer le scandâââle. L’1consolable est payé à rien foutre – L’1consolable est payé à foutre la merde [2] est un double concept album – comme le Tommy de The Who, mais en moins psychédélique, plus hargneux, moins flower power, plus actuel. Cet opus autoproduit est sans aucun doute 100 % pur jus de l’époque. Infatigable pourfendeur de la bienséance et de la résignation, l’1consolable préconise un néo-épicurisme tendance décroissante en vingt-quatre morceaux de bravoure à la nonchalance affichée. Le volume deux consacre le plus clair de son venin à étriller les médias et la politique avec une ironie mordante – la figure du canidé, soumis ou enragé, est ici récurrente, comme dans « PAF les chiens ».
« Je veux refaire de l’avenir une promesse, draguait le candidat Sarkozy en 2007, promettant la lune aux blaireaux. Parce que, quand on est propriétaire, on n’est plus en situation de précarité. » La bonne blague ! Voilà le genre de démagogie dont sont saupoudrées les plages où se prélasse notre provocateur né, pour mieux la couvrir de ridicule en l’entrecoupant de samples des films Attention, Danger travail et Volem rien foutre al païs. On fait un pas de côté pour sortir des rangs, mais on ne perd pas de vue le monde tel qu’il bêle.
Un regret, d’ailleurs : on aimerait entendre, après l’énoncé de ce manifeste de branleur magnifique, un peu plus d’histoires vécues avec quoi le chômeur, heureux ou pas, repeuple son temps libre. L’1consolable, qui ne perd pas sa vie devant la télé, devrait se laisser aller en mots à ces dérives qu’il affectionne lors de ses « parkours » dans les sous-bois. Dérape, l’ami, et régale-nous aussi de paroles moins déclamées. Raconte-nous les rencontres et les gueules de bois émouvantes qu’on ne manque pas de se faire dans les rues quand on a le temps d’y flâner. Et longue vie à toi.