Yémen in black

Vente d’armes : la France toujours au top

En mars 2015, une coalition internationale, financée et dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), intervient dans les querelles politiques internes du Yémen, le plus pauvre des pays arabes. Depuis, c’est la descente aux enfers pour la population civile. À l’occasion de la dernière conférence des donateurs d’aide humanitaire pour le Yémen, en avril 2018, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, tire ainsi le signal d’alarme : « Aujourd’hui, la situation du Yémen est catastrophique. »

Parmi les maux qui accablent la population, l’effondrement du système de santé et la famine sont les plus terribles. Selon Guterres, un enfant yéménite de moins de 5 ans meurt toutes les dix minutes de maladies qui auraient pu être soignées en temps normal. Et près de la moitié des enfants âgés de six mois à cinq ans souffrent de malnutrition chronique, laquelle provoque des retards de croissance et réduit leurs capacités d’apprentissage pour le reste de leur vie.

Les causes principales du désastre sont connues : les bombardements aériens, ainsi que le blocus maritime et aérien des zones contrôlées par les rebelles houtis. Mais en bon faux cul de diplomate, Guterres se garde bien de dénoncer les coupables. Au contraire, il félicite sans vergogne l’Arabie saoudite et les EAU pour leur aumône de 930 millions de dollars au pays qu’ils ravagent. Un moyen bon marché de s’acheter l’impunité.

Quant aux autorités françaises, elles versent des larmes de crocodile sur les victimes tout en assurant un soutien sans faille à leurs bourreaux. Pendant les massacres, les affaires continuent... En 2016, la France a ainsi vendu pour un milliard de dollars d’armement à l’Arabie saoudite et pour 400 millions aux EAU. Des associations humanitaires ont cherché à en savoir plus sur les complicités françaises1. Un exercice difficile, car le secret qui entoure les questions militaires est une tradition bien ancrée. Malgré ces limites, leur travail est riche de renseignements sur les turpitudes de nos dirigeants.

Les associations font notamment état de nombreux indices d’utilisation de matériel français dans le conflit, comme des Mirage 2000 (émiratis) et des Airbus A330-MRTT (saoudiens), qui ravitaillent en vol les avions de combat et transportent des troupes. Certes, ces avions ont été livrés avant le déclenchement de la guerre. Mais la France aurait pu décider de suspendre les contrats de maintenance, sans lesquels ils ne pourraient voler. Elle n’en a rien fait. Pis, elle a même conclu depuis de nouvelles transactions avec les belligérants. Ainsi de cet contrat fin 2015 avec l’Arabie saoudite, qui finalise l’achat de trois navires patrouilleurs pour 250 millions d’euros. Ou de cet autre en novembre 2017 avec les EAU portant sur la vente de deux corvettes pour environ 400 millions d’euros. Enfin, en vertu d’accords de coopération militaire, l’armée française participe directement aux opérations, en effectuant des vols de reconnaissance et en fournissant des images satellites. Elle continue même d’entraîner les forces émirates et saoudiennes, et participe avec elles à des manœuvres communes.

Pour résumer dans un langage plus brutal que celui utilisé dans le rapport : la France est un État voyou qui se torche avec les engagements qu’il a pris. À l’image du Traité sur le commerce des armes (TCA), interdisant toute vente d’arme susceptible de servir à commettre des violations des droits de l’homme. L’État français se trouve ainsi clairement complice de crimes contre l’humanité au Yémen. Et n’en a cure. La dernière loi de programmation militaire le souligne à sa manière : les « programmes d’armement de la France sont soutenables grâce aux exportations ». Dit autrement : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs (yéménites)...


1 « Ventes d’armes françaises : “ indices de présence ” au Yémen et nécessaire refonte des mécanismes de contrôle des exportations », rapport notamment signé de la Fédération internationale des droits de l’homme et de l’Observatoire des armements, rendu public le 9 avril 2018.

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