Vodka-47
Guerre mondiale : le compte à rebours ?
Nouvelle guerre froide, troisième guerre mondiale, des expressions que l’on croyait d’un autre temps font à nouveau l’actualité. L’affirmation de la Chine et de la Russie sur la scène internationale provoque des tensions avec les États-Unis et leurs alliés. La Nation indispensable supporte très mal que l’on conteste sont hégémonie sur la planète. Blessée dans son orgueil, elle montre les dents. Mais de l’aveu d’Ashton Carter, le big boss du Pentagone, les crocs sont émoussés : « D’autres États essaient d’accéder aux avantages dont nous avons joui pendant des décennies dans des domaines comme les munitions à guidage de précision ou la technologie furtive, cybernétique et spatiale. » L’avance stratégique de l’Empire se réduisant, ses principaux concurrents n’hésitent plus à le défier ouvertement.
La guerre en Syrie est l’exemple parfait de cette nouvelle donne géopolitique. Elle offre au Kremlin l’occasion de faire la démonstration de ses capacités et d’affirmer ses ambitions. Aujourd’hui, la Syrie est au complexe militaro-industriel russe ce que la guerre du Golfe de 1991 a été au Pentagone : un terrain où tester en conditions réelles de nouvelles armes et une vitrine commerciale pour les exportations d’armement. L’utilisation de missiles de croisière n’est plus une exclusivité occidentale, la marine russe a lancé une cinquantaine de Kalibr 3M-54 depuis des navires et des sous-marins. Idem pour les armes de précision : l’aviation fait grand usage des bombes KAB 500 guidées par laser ou par satellite grâce au système Glonass, l’équivalent russe du GPS yankee.
Plus croustillant encore, le Kremlin prouve sa capacité de « projection de force », autrement dit, à envoyer un corps expéditionnaire combattre dans de lointains pays et à gérer la logistique que cela nécessite dans la durée. Et il ne compte pas en rester là. À la mi-octobre, une flottille a quitté le Grand Nord russe pour prendre ses quartiers d’hiver en Méditerranée orientale. En vedette, le vénérable porte-avion Amiral Kouznetsov. Mis en service à l’époque soviétique, il va enfin connaître le baptême du feu en Syrie, tout comme les nouveaux avions et hélicoptères de combat qu’il embarque à son bord et les missiles qui les équipent. une opération qui va offrir à la marine russe une expérience précieuse. Jusqu’alors, seuls Washington, Londres et Paris étaient capables de mener des opérations aéronavales. Aujourd’hui, Moscou met un pied dans la porte de ce club.
Impressionnées par la prestation russe, les élites moyen-orientales regardent avec grand intérêt du côté du Kremlin et s’éloignent de la Maison-Blanche… de rage. Car si cette tendance n’est pas enrayée, bientôt plus rien d’important ne pourra se faire dans la région sans l’accord russe. À la fin de la guerre froide, George Bush père s’est servi de Saddam Hussein pour imposer une conception du monde unipolaire sous la houlette de l’hyperpuissance américaine. Aujourd’hui, Vladimir Poutine utilise Bachar El-Assad pour faire triompher sa conception d’un monde multipolaire, où la Russie, la Chine et d’autres géreront les affaires internationales aux côtés des États-Unis et de l’Europe.
Mais la Syrie n’est pas le seul point chaud de la guerre froide 2.0. Les Occidentaux et les Russes s’affrontent aussi en Ukraine. En mer de Chine, les USA et leurs alliés asiatiques titillent Pékin. Est-ce qu’un de ces conflits peut dégénérer en guerre mondiale ? C’est la classe dirigeante des États-Unis qui a la réponse. Se résoudra-t-elle bon gré mal gré à abandonner ses rêves d’empire mondial et à devenir une superpuissance parmi d’autres ? Ou bien va-t-elle se lancer dans une fuite en avant aux conséquences incalculables ?
Cet article a été publié dans
CQFD n°148 (novembre 2016)
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Paru dans CQFD n°148 (novembre 2016)
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Mis en ligne le 21.04.2019
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