« Un simple homme d’affaires »

Les journaleux du Figaro de Serge Dassault (de l’UMP) sont de sensibles êtres, qui ne goûtent guère qu’on réprime trop menu l’Arabe soulevé(e), comme fait depuis quelque temps Kadhafi.

Les journaleux du Figaro s’émeuvent donc récurremment, ces jours-ci, des « tirs des avions de l’armée libyenne », qui « auraient fait » dans l’indigénat local « des centaines de morts ».

C’est quoi, au juste, les « avions de l’armée libyenne » ? Principalement des zincs russes, genre des Mikoyan-Gourevitch. Mais aussi : force Mirage1.

Des avions de chez Dassault, donc : le même Dassault, en fait, qui possède aussi Le Figaro, et qui, nonobstant que ses journaleux s’offusquent des tueries que fait l’armée de Kadhafi, n’aurait point dédaigné qu’icelui continue de lui faire des achats de gros Flash-Balls air-sol, avec des ailes sur les côtés. Dans son nouveau (mais passionnant) bouquin – Armes de corruption massive. Secrets et combines des marchands de canons, qui vient de paraître chez La Découverte2 –, Jean Guisnel raconte ainsi qu’en 2005, puis 2006, la ministre (UMP) de la Défense a fait le voyage de Tripoli, dans la volonté d’y vendre long comme le bras du flingue français – dont, prioritairement, des Rafale de chez Dassault.

Qui était, en 2005 et 2006, la ministre (UMP) de la Défense ? Michèle Alliot-Marie, comme d’hab. (Flanquée de son Ollier de compagnie, comme d’hab.) Problème : « les Libyens », à ce moment-là, « ont beau être cousus d’or, ils se font tirer l’oreille ». Mais côté français, se résigne-t-on ? Pas du tout : on soutient l’effort. Après la fin 2007 : « Les Français espèrent toujours signer de gros contrats d’armement en Libye », et leurs « espoirs portent d’abord sur le Rafale de Dassault ».

Le coup foire, méchant : Kadhafi, mal éduqué, choisit plutôt d’acheter, à l’automne 2010, quelques supplémentaires « Sukhoï 35 Flanker Plus » à Moscou, et la France d’après doit se contenter d’un lot de consolation, sous la forme d’un contrat de « rénovation, pour près de 120 millions d’euros, de douze des Mirage F-1 » libyens.

De ces diverses péripéties marchandes : les sensibles journaleux du Figaro ne disent rien. Leur boss est l’un de ces gars dont Guisnel rapporte la définition que voici : « Le marchand d’armes ne se tient pas du tout pour un criminel. D’après lui, il est un simple homme d’affaires qui vend sa marchandise selon les usages commerciaux. L’utilisation de ses produits et les résultats qu’ils peuvent provoquer ne le concernent pas plus, par exemple, que s’il vendait une automobile. » Mais leur sensiblerie ne se hausse pas jusqu’à s’en offusquer : ce n’est pas non plus, n’est-ce pas, comme s’ils devaient chaque mois vérifier que leur émolument n’est pas souillé du sang de quelque exotique insurgé(e).


1 Et quelques Falcon, too.

2 Qui est aussi mon éditeur – et qui me fait un virement de plusieurs millions d’euros sur un compte numéroté quand je promeus un de ses ouvrages, merci, La Découverte.

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