Sidaction
Récolter des fonds et les répartir entre les multiples programmes de recherche sur le Sida, sensibiliser le public à cette maladie, prendre en charge les patients, prévenir l’épidémie en France et dans le monde : telles sont les tâches auxquelles s’attelle, depuis 1994, l’association Sidaction1. Une grande œuvre, en quelque sorte, qui vient compenser le désengagement de l’État en matière de santé publique, au profit, notamment, du budget militaire qui représente 65,74 milliards d’euros…
Question rigueur, l’association s’affirme très pointilleuse sur le terrain de l’éthique « qui est au cœur de la démarche de Sidaction : respect des personnes, des droits humains, des règles morales de recherche, lutte contre les discriminations […], autant de valeurs que Sidaction veut défendre dans toutes ses actions », selon son site. Si l’association déploie d’importants efforts en direction de la recherche scientifique et de l’aide internationale, l’une de ses préoccupations majeures est d’assister « [les] personnes qui vivent avec le VIH en France et qui ont besoin d’un soutien social, économique, psychologique… », ainsi que le précise, dans le rapport d’activité 2010 de Sidaction, son président Pierre Bergé, homme de gauche, de mode, de presse, de collection et patron de la soixantaine de salariés travaillant au siège de l’association.
Justement. Dans les caves de cette quasi-institution de bienfaisance, respect et empathie vis-à-vis du « petit personnel » semblent battre méchamment de l’aile : derrière, le rimmel des campagnes triomphantes de communication, l’ambiance y est plus que morose. Milko Paris, responsable des moyens généraux à Sidaction depuis 2002, raconte à CQFD : « La plus totale désorganisation règne entre les services gérés par des petits chefs qui n’ont de cesse de développer un climat de concurrence virant à l’hostilité. Lorsque j’ai mis le doigt sur des dysfonctionnements, on a cherché à me licencier. Faute d’avoir réussi, s’est répandue une rumeur sur mon passé judiciaire, affaire qui ne concerne que ma vie privée, destinée à m’éloigner de mes collègues. Étonnant paradoxe, dans une association qui prône la lutte contre la discrimination ! » En mai 2010, Sidaction décide de licencier Milko Paris, mais la sentence est annulée par l’inspection du travail. En juillet 2010, la direction de Sidaction tente à nouveau de le mettre dehors : la demande est de nouveau rejetée au prétexte qu’aucun des reproches qui lui sont faits n’apparaît fondé. Milko poursuit : « J’ai saisi les prud’hommes pour le harcèlement que je subis. De plus, j’ai déposé une plainte au pénal pour dénonciation calomnieuse. » Conflit personnel ? Incompatibilité d’humeur ? Le 21 mai 2011, un rapport du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) publie un « Rapport d’expertise sur l’analyse des risques psychosociaux à Sidaction ». « Plusieurs salariés nous ont fait part de leur intention de partir si leurs conditions de travail ne s’amélioraient pas. […] Ces départs sont la marque d’un malaise persistant et durable au sein de Sidaction. Les raisons du malaise exprimé sont multiples : sentiment d’isolement, impression d’être attaqué personnellement, phénomènes de placardisation, absence de directives, injonctions paradoxales, violences verbales entre salariés, ordres ou demandes formulés sur un mode “colérique”, est-il précisé à la page 22 du document. Ce qui primerait à Sidaction, ce serait les critères d’efficacité et non pas la prise en compte des besoins des salariés. » Bonjour l’ambiance ! Sidaction déplorerait-elle un déficit de personnes vulnérables et fragilisées au point d’en créer parmi ses propres salariés ? Mais ne nous y trompons pas. Si cette association présente quelques frappants décalages avec les belles intentions affichées, elle est loin d’être la seule dans cette situation. Petits chefs et gourous sont légions dans les marais humanitaires qu’ils mènent à la baguette de leur mégalomanie et de leur autoritarisme, bien loin de « l’humanisme » dont ils ne cessent de se réclamer. Ne s’agit-il pas là d’assaisonner leur carrière d’une lichette de prestige social extorquée sur le dos des sans-pouvoirs ?
1 En 2010, Sidaction a récolté 20 523 873 euros.
Cet article a été publié dans
CQFD n°93 (octobre 2011)
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Paru dans CQFD n°93 (octobre 2011)
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Mis en ligne le 22.11.2011
Dans CQFD n°93 (octobre 2011)
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4 janvier 2012, 21:37
Bof. Pour ma part, je ne suis pas étonné que le Sidaction aient des pratiques nauséabondes à l’égard de ses salariés à l’image de ses pratiques de récoltes et de répartition des dons. Par contre, ce qui me choque, ce sont tous ces salariés qui ont mangé la soupe (Milko pendant presque 10 ans !) servie par Pierre Bergé, qui ont touchés des salaires démesurées par rapport aux résultats des opérations de télévision... et qui osent venir pleurnicher aujourd’hui, en distillant quelques documents internes choisis pour appâter des journalistes. Ce ne sont pas des t-shirts avec le ruban rouge mais des vestes à doublures qu’on distribue à l’association ! Pour autant, ils ne contestent rien d’autre que leurs propres intérêts de salariés. De ce fait, leur combat est sans rapport avec celui mené par les familles qui se battent face à la maladie et la pauvreté pour survivre au sida. Il n’a d’ailleurs aucune pertinence. Qu’ils se battent entre eux en attendant la mort de Bergé, qui sera sans doute l’occasion d’âpres batailles pour partager son héritage. Ça promet !
19 janvier 2012, 10:36, par ISA SATOR
vous avez raison notre societe se meurt de son manque d ethique ! vous n etes pas choqué dites vous par les pratiques nauséabondes de Sidaction alors que son serment est fondé sur le principe meme de non discrimination ! Et vous portez vos critiques sur un salarié qui percoit un salaire en fonction de ses responsabilites et de son ancienneté , qui a denoncé des dysfonctionnements en contradiction parfaite avec les objectifs affichés de Sidaction ,heureusement que l oeil attentif de la presse peut contrebalancer toutes ces turpitudes et apprehender avec justesse la situation de monsieur Milko Paris comme le fera en droit nos institutions