L’édito du n°175
Sauce barbecue
« Il est dans un état… Il est sous l’eau », s’alarme un familier. « Rincé », « essoré », s’affolent d’autres. « Il a perdu la queue du Mickey, il n’arrive plus à l’accrocher », constate un ami. Un de ses « textoteurs du soir » va plus loin : « On n’est pas loin du burn-out. ». Une « petite main » abonde : « Heureusement qu’il est maquillé, sinon on verrait à quel point il est crevé… (Le Parisien du 30/03/2019) »
On sait que Boutef, moufle usée dans laquelle s’agite la baronnie kaki algérienne, n’est pas au mieux de sa forme. Mais ce n’est pas de lui dont il s’agit dans cet article, mais bien de notre Manu national. Cocorico.
Il faut l’imaginer, le pauvre petiot. Lâché par tous ses potes qui ont senti le vent du méga-boulet. Talonné par les affaires et les benalleries. Entouré d’incompétents de première bourre. Multipliant les réunions lénifiantes sauce « grand débat » dans des centres-villes barricadés. Et rôti au feu des Gilets jaunes tous les samedis. À ce sujet, Le Parisien nous informe de la crainte circulant en haut-lieu : ces dégénérés des ronds-points pourraient bien profiter des beaux jours pour multiplier les « barbecues » en plein air. Dur dur. On comprend mieux pourquoi le Président fardé use de tous les artifices de l’arsenal médiatico-guerrier pour talonner la vermine, au point de mobiliser les bidasses de Sentinelle histoire d’épicer le maintien de l’ordre. Bravo champion, tu marques l’histoire.
Si personne n’a vraiment cru à un Call of duty des militaires sur les batteurs de pavé, l’annonce en elle-même était suffisamment symbolique pour causer effroi et envol de surenchères. Et quand Yves Calvi évoque dans L’Info du vrai (sur Canal+) le nécessaire recours au stade de football pour parquer les embastillés, Pinochet style, il n’y a pas grand monde pour s’offusquer. Parce que le mantra tourne en boucle depuis des mois : « Ils sont prévenus. » Prévenus que se rendre à une manifestation rend complice du « pire » et expose à des risques toujours accrus. Aucun doute, le fond de l’air effraie : amendes au moindre motif (comme ce couple verbalisé pour avoir porté un pull-over « Oui au RIC »), arrestations, condamnations, mutilations, blessures, street-medics violentés… Tout en se repoudrant la perruque, Jupiter n’en finit plus de dégazer ses lacrymos, recouvrant le pays d’une brume toxique aux forts relents liberticides – lacrymal on est mal.
Mais voilà : malgré sa stature jupitérienne, cet homme souffre, donc. Et sa politique répressive serait similaire à celle du gamin qui extériorise son mal-être en cassant ses jouets – ouin ouin tout le monde est méchant avec moi. Pauvre choupi. Bizarrement, on a un peu de mal à ressentir l’empathie attendue. « Je le vois brûler devant moi, je bois mon verre d’eau », résume une camarade. Cerise sur le barbecue, c’est en se gavant de chipolatas et de mauvaise vinasse autour d’un brasero, pépouze, qu’on alimentera le feu. Et ça, c’est peu dire que ça nous botte. Prochaine étape : le barbeuc dans les bureaux de L’Élysée. Pensez à prendre vos patinettes, ce serait con de saloper le sol.
Cet article a été publié dans
CQFD n°175 (avril 2019)
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Paru dans CQFD n°175 (avril 2019)
Dans la rubrique Édito
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Mis en ligne le 04.04.2019
Dans CQFD n°175 (avril 2019)
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