Rage dedans
Qu’en pensent les mouches ?
1 – L’on lut à l’été 2015, dans un article publié par Le Monde, que la direction de la très conservatrice Revue des deux mondes (RDM), propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, venait d’être confiée à « Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle », sous l’impulsion de qui la ligne éditoriale de cette vénérable publication – « la plus vieille revue européenne encore en activité » – se trouvait transformée, à grand renfort d’ » interventions ou interviews d’Éric Zemmour » ou de « Michel Houellebecq », en un « festin » de « pessimisme […] réactionnaire ».
2 – L’on lut de surcroît, dans le même article, que, dans le sillage de cette nouvelle cheffe, un certain « Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire […] Marc Ladreit de Lacharrière » avait « fait irruption en mars au comité de rédaction » de la RDM « de façon spectaculaire » – pour y lancer ce mot d’ordre prometteur : « Il faut cesser d’enculer les mouches ! »
3 – L’on sut l’année suivante – en 2016, donc – que François Fillon serait le candidat officiel de la droite dite républicaine pour l’élection présidentielle de 2017.
4 – L’on vit ensuite, le 2 décembre 2016, dans l’hebdomadaire Le Point, un éditorial de son ancien directeur Franz-Olivier Giesbert en forme de vibrant éloge de ce candidat, et sobrement titré : « 7 raisons + 1 d’aimer François Fillon. »
5 – Peu de temps après, en janvier 2017 : l’on découvrit que la RDM consacrait un épais dossier – nourri, notamment, d’une contribution du même Franz-Olivier Giesbert, qui décidément ne le hait point – au même François Fillon.
6 – Au même moment, exactement : l’on apprit aussi que l’épouse de François Fillon était (notamment) soupçonnée d’avoir naguère bénéficié d’un emploi de complaisance à la RDM, dont le propriétaire, Marc Ladreit de Lacharrière, est, comme de Franz-Olivier Giesbert, « un ami » de son mari. Là : elle aurait, selon Le Monde, « touché 5 000 euros par mois » entre mai 2012 et septembre 2013, pour rédiger « deux ou trois notes de lecture » en tout.
7 – L’on décida que tout cela dessinait les contours d’un intéressant petit univers droitier, où se rencontrent semble-t-il la presse dominante, la politique politicienne et la haute finance, et à propos de quoi l’on eut bien sûr aimé savoir le point de vue de Franz-Olivier Giesbert – qui, en bon éditocrate, a des avis sur à peu près tout, et qui se prive habituellement peu de les donner publiquement : cela eût été d’autant mieux venu (et pertinent) qu’il distribue très volontiers, par le biais d’admonestations éventuellement virulentes, des leçons de déontologie et d’économie.
8 – Mais au moment où ces lignes sont écrites – et alors même que « l’affaire Penelope Fillon » dure et enfle depuis déjà plusieurs jours, marqués notamment par une perquisition des locaux de la RDM : Franz-Olivier Giesbert continue, sur ce sujet qui pourtant fait désormais parler des journalistes du monde entier, de se tenir très soigneusement coi.
9 – Qu’en pensent les mouches ?
Cet article a été publié dans
CQFD n°151 (février 2017)
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Paru dans CQFD n°151 (février 2017)
Dans la rubrique Rage dedans
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Mis en ligne le 13.11.2019
Dans CQFD n°151 (février 2017)
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