Israël – Palestine :
Où va Obama ?
Barack Obama s’est fait élire sur une promesse de rupture avec la politique de George W. Bush, notamment sur la présence des troupes américaines en Irak. Dans son discours du Caire, le 4 juin 2009, il abandonnait la mythologie meurtrière de « la guerre du bien contre le mal » qui faisait de tout musulman un terroriste. Il évoquait même, alors, un État palestinien.
Benyamin Nétanyahou, tout juste nommé Premier ministre du gouvernement israélien, n’a pas réagi, assuré à la fois des liens entre Israël et les États-Unis, et de la très forte majorité pro-israélienne au Congrès américain. A contrario, il a ouvertement provoqué Barack Obama en relançant officiellement la colonisation le 9 mars 2010, jour de la visite du vice-président étatsunien Joseph Biden à Jérusalem ! La victoire républicaine aux élections américaines de mi-mandat, début novembre 2010, a renforcé l’attitude du gouvernement israélien. Une politique efficace puisque trois mois plus tard, au Conseil de Sécurité, les États-Unis s’opposaient à une condamnation – très modérée – d’Israël sur la poursuite des constructions dans les colonies.
Mais, avec l’exécution sommaire d’Oussama Ben Laden, Barack Obama a pensé pouvoir instaurer un nouveau rapport de forces avec le gouvernement israélien. Parler d’un retour aux frontières de 1967 – frontières qui suivent les lignes d’armistice de la guerre israélo-arabe de 19481–, comme il l’a fait le 19 mai dernier, c’est tenter de lancer un processus de négociation un peu plus efficace que celui existant.
Par ailleurs, le chamboulement démocratique des pays arabes n’est pas sans influencer le président américain. Après la révolution tunisienne, Obama a mis tout son poids en Égypte pour conserver le contrôle de ce pays. Mais cela n’a pas suffi à éluder la question palestinienne, malgré l’arrivée au pouvoir de l’armée avec des hommes tels que Mohammed Hussein Tantaoui et Omar Souleiman2, formés par les États-Unis. Les régimes arabes, jusqu’à présent complices de l’écrasement de la Palestine, changent lentement d’attitude, craignant la multiplication des mouvements sociaux. Et Obama doit en tenir compte.
Fondamentalement, la domination américaine au Proche-Orient reposant sur l’État hébreu, Barack Obama ne peut pas aller à l’encontre de Nétanyahou au-delà de pressions verbales s’il veut conserver sa place. Et comme c’est un politicien essentiellement intéressé par le rapport de forces intérieur, et par sa réélection… Mais il ne peut plus – et avec lui, tout l’Occident – reprendre les assertions de la direction israélienne – « Nous n’avons pas de partenaire pour la paix » – comme par le passé, car elles ne sont plus recevables par les nouveaux gouvernements arabes et leurs peuples. Même en Israël des voix de l’establishment murmurent qu’il faut changer de discours. Et le président Shimon Pérès admet dorénavant que l’on peut discuter avec le Hamas.
Côté palestinien, les deux grands partis politiques – le Fatah et le Hamas – étaient dans l’impasse : Mahmoud Abbas a été pendant des années l’élève modèle des États-Unis, sans résultat, et le Hamas, dépourvu de stratégie, réprime toute opposition à Gaza. L’accord du 27 avril entre le Fatah et le Hamas est le résultat d’une profonde aspiration à l’unité palestinienne, la division étant clairement perçue comme une victoire de l’occupant.
Toujours est-il que le 24 mai, devant Barack Obama et le Congrès américain, Benyamin Nétanyahou, ovationné par les députés, a déclaré que « Israël ne reviendra pas sur les lignes indéfendables de 1967 » et que « en Judée Samarie, nous ne sommes pas des occupants étrangers. Nous ne sommes pas des Britanniques en Inde ou des Belges au Congo »… Ce discours s’adressait principalement aux Israéliens, et à ses alliés du gouvernement. La popularité de Nétanyahou est du coup remontée en flèche, avec 51 % de satisfaits. Une fois de plus, le sionisme, rassemblé autour du « complexe de Massada »3, a gommé les différences idéologiques. Au point que les colons, qui n’étaient pas aimés, ont aujourd’hui le soutien de l’opinion. En Israël, tout le monde est pour la paix, dans le sens de : « Foutez-nous la paix. » Reste que les 36 % de mécontents qui, autrefois, soutenaient le Premier ministre Yitzhak Rabin au moment des accords d’Oslo (1993) n’ont quasiment plus de représentation parlementaire. Des quelques voix qui, malgré tout, s’élèvent en Israël pour reconnaître l’État palestinien, Obama espère qu’il naîtra un gouvernement de rechange. Posera-t-il les vraies questions sur la colonisation, l’occupation, l’apartheid, ou les réfugiés ? Ou voudra-t-il imposer aux Palestiniens un bantoustan, déguisé en État pseudo-indépendant ? Rien ne se débloquera sans que l’occupant soit sanctionné. Plus que jamais, la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), la flottille pour Gaza et plus généralement la solidarité internationale sont indispensables pour sortir de ce jeu de dupes entre gouvernants.
1 Ces frontières ont été repoussées après la guerre des Six Jours de juin 1967 entre Israël et ses voisins arabes, permettant d’incorporer la Cisjordanie et Jérusalem-Est à l’État hébreu.
2 Mohammed Hussein Tantaoui est le chef du Conseil suprême des forces armées. Omar Souleiman, après avoir été désigné par Moubarak juste avant sa fuite, reste dans l’ombre le vice-président de l’Égypte.
3 Ou « complexe de la citadelle assiégée ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°90 (juin 2011)
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Paru dans CQFD n°90 (juin 2011)
Par
Illustré par Rémi
Mis en ligne le 01.08.2011
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