L’édito du mois d’octobre

Menaces sur la presse : à qui le tour ?

C’est qui les champions de la liberté de la presse ? C’est nous.

Une puissance occidentale désignant des cibles civiles à une dictature militaire qui les torture et les assassine. Une journaliste qui dévoile l’affaire arrêtée deux ans plus tard par la police qui saisit son ordinateur et son téléphone à la recherche de ses sources. C’est aussi lamentable que ça, l’histoire d’Ariane Lavrilleux, journaliste à Disclose, qui vient de se coltiner 39 heures de garde à vue, notamment pour ses articles sur la réalité de la coopération « antiterroriste » de la France avec l’Égypte. Quelques mois plus tôt, ce sont trois journalistes de Libé qui étaient convoqués par la DGSI après une enquête sur les contrats de sous-traitance du transport aérien dans l’armée. Pas touche à la Grande Muette. Ni à l’industrie, fût-elle soupçonnée d’avoir financé Daech : pendant six mois, un photojournaliste présent lors de l’intrusion de militants écolo dans la cimenterie Lafarge de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône) a été traqué par les sbires de l’antiterro1, avant de se voir infliger 80 heures de garde à vue.

L’exécutif peut bien brailler « liberté de la presse » sur l’air des lampions et annoncer pour octobre des « États généraux de l’information », il affiche un dédain absolu du 4e pouvoir. Sous l’ère Macron, ses relations avec les journalistes pas trop cire-pompes sont devenues catastrophiques2 tandis qu’en manif, il y a belle lurette que le brassard « presse » ne protège plus des matraques, quand il ne les attire pas. « Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité », chouinait Macron au moment de l’affaire Benalla. On avait rigolé. On n’avait pas capté qu’il fallait lire : « ma vérité ». Et que les journalistes qui font leur boulot sont aujourd’hui ses cibles. 

Tawfiq Omrane

P. S. : En Tunisie, le caricaturiste Tawfiq Omrane, qui a filé la main à CQFD plus d’une fois, a quant à lui passé la soirée du jeudi 21 septembre dans les geôles pour avoir critiqué le Premier ministre Ahmed Hachani. On soutient de tous nos crocs.

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Cet article a été publié dans

CQFD n°223 (octobre 2023)

Ce numéro 223 inaugure notre nouvelle formule et n’a pas de dossier thématique. Ceci dit, plusieurs articles renvoient à un même thème, celui d’une France embourbée dans ses vieux démons. On y refait l’histoire de la stigmatisation du voile à l’école, on y raconte comment la parole xénophobe la plus crasse s’est libérée autour des arrivées à Lampedusa, on y parle de squats expulsés et d’anti-terrorisme devenu fou... Bref, on passe la France au scalpel et ça pue pas mal. Heureusement tout un tas de chouettes chroniques et recensions viennent remonter le moral !

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