Le mois de novembre, c’est super ! Ça commence par la fête des morts, puis le 11 c’est la fête de l’armistice (celui de la grande faucheuse, 14-18 avec ses neuf millions de morts) et pour rester dans l’ambiance, ça se finit avec Milipol, le Salon mondial de la sécurité intérieure des États… Oui, le salon des armes et gadgets pour toutes les polices et les milices du monde. Pendant quatre jours, du 19 au 22, pas moins de 900 exposants vont exposer ce que leurs technologies mortifères font de pire en matière de répression, de surveillance, de contrôle. Cette année, cette petite fête se déroule à Villepinte, près de Paris. Il faudra en profiter, car en 2014, comme toutes les années paires, Milipol se délocalisera au plus près du « marché de la sécurité très dynamique » qu’est le Proche-Orient… au Qatar !
Bien sûr, on devrait y trouver tous les grands noms du génie policier de France et d’ailleurs, les Safran, Thales, Renault, Bull, des tas d’autres dont les noms allemands, américains, chinois, israéliens, brésiliens ne vous diraient rien. Une vraie internationale du flicage. Mais on y trouve aussi des plus petites entreprises « à taille humaine » qui, pour faire face aux mastodontes du milieu, se regroupent en charmants « clusters » pour allier performance, réactivité et prix compétitifs. Chouette !
Ainsi, en ce paradis de la militarisation de proximité, le « cluster » EDEN (European Defense Economic Network) se veut être la « voix des PME de la filière défense-sécurité-sûreté » de France. Créée en 2008 en Rhône-Alpes, cette boîte de boîtes connaît une rapide expansion pour compter en 2013 (d’après ses dires) pas moins de 130 PME qui se répartissent 8 000 employés à travers tout le pays et un milliard d’euros de chiffre d’affaires [1] !
C’est que, chez EDEN, le catalogue donnerait faim à tout ministre de la Sécurité (intérieure comme extérieure) respectable : combinaison de protection NRBC (pour les risques nucléaire, radiologique, bactériologique, chimique… mais ça ne risque pas d’arriver, hein !), Flash-Balls, d’obscurs « systèmes de détection de tir mobile » et le top du top de la mode de demain, évidemment, des drones. Comme ceux de la société d’Aix-en-Provence, Novadem, spécialisée dans la robotique aérienne et les « mini-drones ». On y trouve aussi les Bretons de RDS Industrie qui fabriquent des réducteurs de son militaires et civils dont le slogan, à faire mourir de rire un pétomane, est « parce que nous ne tirons pas pour faire du bruit ». Car pour servir le triptyque « défense, sécurité, sûreté », EDEN fait travailler tous les corps de métier : sidérurgie, électronique, informatique, robotique, toujours « de pointe », pour la fabrication de blindages, d’armes, de systèmes de vidéo-télé-surveillance… Mais aussi des textiles « spécifiques », « tactiques », « spéciaux ». Et l’on comprend que ce cluster, à l’image de toute la filière, se compose en fait d’une myriade de petites boîtes à l’allure inoffensive produisant qui des sous-systèmes, qui des composants, qui des emballages… lesquels, une fois assemblés, forgeront des armées et des polices et ultramodernes, et invincible et… hors de prix !
Mais, comme tout cela n’est en fait qu’un bizness comme un autre, EDEN ne se contente pas du salon Milipol où son président évoquera les perspectives merveilleuses du cluster ! Non, EDEN est aussi responsable d’avoir fait venir à Lyon, en juin dernier, le non moins sympathique salon « Technologies against crime » avant de collaborer avec Ayrault, Valls, Taubira, Montebourg and co à la mise en place, en octobre, d’un Comité de la filière industrielle de la sécurité. Il faut dire que les dix milliards de chiffre d’affaires français et les 7 % de croissance mondiale du secteur ont de quoi appâter plus d’un « socialiste ». Le fameux « redressement productif » mérite bien la mise en place officielle d’un lobbying armé !