Mais qu’est-ce qu’on va faire de... Emmanuelle Ducros ?
Emmanuelle Ducros est à l’agriculture ce que Booba 2023 est au rap. Ses prods, paroles et prises de position n’ont pas grande consistance, mais bordel qu’est-ce qu’elle clashe ! C’est Twitter qui a la faveur des saillies de la pseudo-journaliste aux 110 000 followers. Greenpeace ? « Des ados attardés sans aucune réflexion, nombrilistes et bêtes », à la « tête creuse et brûlée ». Les écolos ? Ils « n’aiment rien, trouvent à redire à tout ». Sandrine Rousseau : « Invariablement débile. » Jusqu’aux adeptes du vélocipède qui sont rhabillés pour l’hiver : « Les fans du vélo, comment réussissez-vous à vous rendre invariablement puants et détestables ? »
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Parmi ses autres cibles de prédilection : Greta Thunberg, les antinucléaires, les anti-glyphosate, Anne Hidalgo, les militants LFI, les féministes, etc. Bref, si tu as le malheur de dévier un chouïa des mantras de l’économie et de l’agriculture productivistes, tu as de fortes chances de te prendre un scud de la dame. Il faut dire qu’elle bosse pour ce canard pro-Medef qu’est L’Opinion, rebaptisé par Mediapart « le journal des milliardaires » – ça aide. Qu’elle officie sur Europe 1 – version Bolloré –, ça n’incite pas à la décroissance forcenée. Et qu’elle intervient régulièrement dans des assemblées bien achalandées, comme la réunion annuelle de l’Union des industries de la protection des plantes (lobby des pesticides) ou à une table ronde en Autriche de la Fédération des entreprises de boulangerie (apôtres de la Brioche dorée & Cie) – ça encourage. Rémunérée pour ça ? Elle assure que non. Et on est prié de la croire, même si Libération lui a mis le nez dans la sauce, prouvant qu’au moins l’intervention autrichienne avait une contrepartie financière1.
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À suivre sa carrière et ses interventions pleines de bile, on se dit qu’elle est presque un peu trop caricaturale. Une sorte de méchante de film, qui se partage avec sa consœur Géraldine Woessner d’Europe 1 les positions d’outrancières soufflées par l’industrie. L’auteur de l’article de Libé sur ses « ménages » aurait d’ailleurs fait les frais de sa colère, via un faux compte Twitter créé spécialement pour le traîner dans la boue2. Classe.
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Largement critiquée et dotée d’un solide dos rond (il faut le reconnaître), Emmanuelle Ducros a pourtant ses fans. Ainsi de cette publication férocement indépendante qu’est Le Betteravier français, « le journal de référence […] de la betterave-sucre et des grandes cultures », qui en novembre dernier lui donnait la parole, en compagnie de sa consœur Woessner. Titre du papier : « Deux journalistes connectées au réel ». Et dès les premières lignes, cette déclaration d’amour : « Elles dénotent par leur approche intellectuelle factuelle, rigoureuse et honnête. Pour elles, la vérité est avant tout une adéquation au réel et pas une rumination d’idéologies préconçues. » Le reste est à l’avenant. Une manière de rappeler qu’au-delà de débats techniques (notamment en défense du nucléaire, son grand combat), madame Ducros est clairement affiliée à un camp, qui lui sait gré d’inciter à la poursuite de la course vers l’abîme productiviste. À Emmanuelle Ducros, les fossoyeurs du vivant reconnaissants.
1 Lire « La journaliste Emmanuelle Ducros a-t-elle été rémunérée par des lobbys de l’industrie agro-alimentaire ? » (27/06/2019).
2 « Une journaliste de “l’Opinion” harcèle-t-elle un confrère de “Libé” derrière un faux compte Twitter ? », Libération (13/09/2019).
Cet article a été publié dans
CQFD n°218 (mars 2023)
« Moins de super profits, plus de super pensions », « Prenez la thune aux milliardaires, pas aux grands-mères »... Dans les manifs contre la réforme des retraites, ça casse du riche ! Dommage collatéral ? Que nenni ! Alors que les crises se cumulent, les inégalités se creusent toujours plus et les riches se font plaisir. D’où notre envie d’aller voir ce mois-ci du côté des bourgeois. Ou comment apprendre à mieux connaître l’ennemi, pour mieux le combattre évidemment. En hors-dossier, la Quadrature du net nous parle de la grande foire à la vidéosurveillance que seront les Jeux olympiques Paris 2024. Youri Samoïlov, responsable syndical, aborde la question du conditions de vie des travailleurs dans l’Ukraine en guerre un an après le début de l’agression russe. Avec Louis Witter, on discute du traitement des exilés à Calais à l’occasion de la sortie de son livre La Battue. On vous parle aussi du plan du gouvernement « pour la sécurité à la chasse » qui n’empêchera hélas aucun nouvel « accident » dramatique, d’auto-organisation des travailleurs du BTP à Marseille ou encore d’une exposition sur un siècle d’exploitation domestique en Espagne... Et plein d’autres choses encore.
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Paru dans CQFD n°218 (mars 2023)
Dans la rubrique Mais qu’est-ce qu’on va faire de…
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Mis en ligne le 10.04.2023