Rage Dedans

La droite réactionnaire (tout) contre l’antisémitisme

Depuis une grosse quinzaine d’années – depuis qu’elle a décidé qu’elle ne resterait plus jamais trois heures sans tracasser les musulman·e·s1 –, la droite réactionnaire, émancipée, là comme ailleurs, de tout ce qui pourrait, fût-ce de très loin, s’apparenter à de la pudeur, instruit contre la gauche antiraciste d’infâmes procès en « antisémitisme », où elle produit, en guise de preuves, le rappel qu’en 1880, des représentants de la gauche d’alors ont tenu des propos antisémites, puis que, plus près de nous, un ex-amuseur venu de l’antiracisme s’est finalement reconverti dans la haine des Juifs et l’accointance néonazie, puis enfin – et surtout – que toute critique des menées mortifères du gouvernement israélien relèverait de cette même haine.

Entendons-nous bien : je ne suis pas (du tout) en train de prétendre qu’il n’y aurait pas (du tout) – ou qu’il n’y aura plus jamais - d’antisémites dans la gauche. Nous savons tou·te·s2 que ce n’est malheureusement pas le cas, et qu’il convient par conséquent que nous restions « vigilants contre un danger toujours possible »3. Mais il n’en reste pas moins que l’affirmation essentialiste dégueulasse – formulée naguère par un journaliste spécialisé dans ces vilenies – selon laquelle la gauche « redevient antisémite » fait fi « de toute vérité historique »4. À droite, en revanche : l’antisémitisme, ces temps-ci, bénéficie décidément5, et bel et bien, d’une grande tolérance – ou serait-ce de la complaisance ?

Ainsi, après que Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a finalement renoncé – mieux vaut tard que jamais – à faire célébrer cette année la mémoire de Charles Maurras, théoricien de l’antisémitisme d’État et directeur du quotidien L’Action française6, où les vitupérations antijuives étaient une discipline journalistique à part entière : l’éditocrate Éric Zemmour a très posément expliqué, dans Le Figaro, où l’on s’accommode fort bien de sa prose méphitique, que cet immonde personnage « n’était pas raciste ». Puis, tout aussi tranquillement : l’éditocrate Franz-Olivier Giesbert a rajouté, dans Le Point, que « l’Action française […] ne fut pas […] globalement rongée par l’antisémitisme ».

Ce que lisant, aucun·e·s des habituel·le·s théoricien·ne·s de «  la résurgence d’un antisémitisme de gauche » n’a élevé la moindre protestation : cela donnerait presque l’impression que ces misérables s’accommodent aussi (et sans la moindre difficulté) de ce racisme-là, dès lors qu’il ne peuvent plus l’assujettir à l’anathémisation des véritables antiracistes.


1 J’ai enfin compris comment on faisait un point médian, tavu ?

2 Non mais tavu ? (Oui, bravo ! (Note du webmaster.))

3 Michel Dreyfus, L’Antisémitisme à gauche : histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours, La Découverte, 2009. À lire absolument.

4 Op. cit.

5 On s’en parlait ici-même, s’il t’en souvient, le mois dernier.

6 Mais pas, que l’on sache, celle du non moins abject Jacques Chardonne.

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Paru dans CQFD n°163 (mars 2018)
Dans la rubrique Rage dedans

Par Sébastien Fontenelle
Mis en ligne le 29.05.2018