Ça brûle !

La complainte de la graphiste automate

« Eh truc de ouf ! Vous saviez que France Gall était sortie avec Claude François ? » Y a pas à dire, quand elle n’est pas sur la Canebière à manifester avec les Gilets jaunes, Cécile, notre graphiste, a le sens du scoop. Et celui des paroles.

Aussi fan de Starmania que du tord-boyau, elle a ainsi redizayné sa chanson préférée, La Complainte de la serveuse automate. En plein milieu du bouclage, elle s’est soudain mise à susurrer : « J’ai pas d’mandé à venir au monde / J’voudrais seul’ment qu’on m’fiche la paix / J’ai pas envie d’faire comme tout l’monde / Mais faut bien que j’paye mon loyer... / Je travaille à CQFD / J’suis rien qu’une graphiste automate / Ça m’laisse tout l’temps de picoler / Même quand j’tiens plus d’bout sur mes pattes / J’suis toujours prête à m’la coller... / Je travaille à CQFD »

En entendant cette réinterprétation aussi harmonieuse qu’un solo de free-jazz avant-gardiste, Samantha a dû convoquer ses meilleurs gènes anglais pour garder son légendaire flegme britannique. Tiphaine a menacé de fermer le robinet de l’ahurissant lambig qu’elle fait importer chaque semaine des meilleures distilleries des Côtes d’Armor. L’auteur de ces lignes a discrètement pris des notes et Linda, sa chienne ronfleuse, a poussé un aboiement de terreur. Quant à Lole, comme son nom l’indique, elle a éclaté de rire.

Puis Cécile a repris son incantation : « Un jour vous verrez / La graphiste automate / S’en aller / Cultiver ses tomates / À Toulouse / Qu’est-ce que j’vais boire aujourd’hui ? / De quoi j’vais m’enivrer demain ? / C’est c’que j’me dis tous les matins » Là, on a tous pris peur : pour l’avenir du journal certes, mais surtout pour les tomates, qui n’avaient rien demandé. Et aussi, pour notre apéro du lendemain, parce que quand Cécile est d’une pareille humeur, sa descente est sans pareille.

C’est sur ces entrefaites que Robert, notre vieux camarade, le seul anar’ de la rue Consolat capable d’imiter le grognement du tricératops en rut (il paraît même qu’il a été embauché pour faire le doublage d’un film de dinoporn en stop-motion), est arrivé. Comme d’hab’, il a ouvert les bras et lancé son rituel « Cécile, ma fille ! » Quelqu’un a mis du Nougaro et notre graphiste fétiche a repris du peps instantanément : elle est montée sur son bureau et a annoncé qu’elle allait bientôt participer à un radio-crochet dans un bar associatif des plus courus. Sa prestation est pour samedi prochain, mais le lieu et l’heure exacts ne seront révélés qu’au cours de la prochaine manif contre le logement indigne. Venez nombreux !

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