Foot populaire vs foot business

« Ils écœurent les filles »

A la Fédération française de football, il n’y a que 60 000 femmes parmi le million et demi de footballeurs licenciés – en Allemagne, il y en a 1 million… Pourtant, les effectifs féminins ont augmenté de 67 % depuis l’an 2000, alors que les effectifs masculins accusent une baisse de 11 %. C’est qu’en France les footeuses ont longtemps été mal vues. La première vague de pionnières, dans les années 1920, a fait long feu, considérée quasiment comme un trouble à l’ordre public. Le 29 mars 1970, la FFF a officialisé l’existence du football féminin, de crainte que cette pratique ne se développe sans elle, et le laissera végéter pendant trois décennies. Ce n’est que récemment que le club fondateur de Juvisy a été rejoint par l’Olympique lyonnais, puis le PSG, avec des moyens leur permettant de jouer un rôle sur la scène européenne1. Mourad Benkhanouche, dit Beka, raconte cette professionnalisation vue depuis un club de quartier : « Les grosses équipes viennent nous déplumer de nos meilleures petites. Pour eux, on est juste un vivier de nouveaux talents. Ils captent 30 équipières, puis les réduisent à 14 pour le championnat de Provence. Qu’est-ce qu’ils vont faire des autres ? Les jeter. Ils écœurent les filles. À la mi-saison, j’en croise qui errent, elles me disent qu’après les avoir signées on les a mises dehors. Alors je les récupère. Si elles doivent être professionnelles, elles y arriveront, mais il faut respecter leur rythme, leur envie de jouer. C’est quoi le but ? S’ils veulent recruter nos meilleures joueuses, pas de souci, mais il faut le faire avec la manière. Si en plus elles ont abandonné les études et qu’elles n’ont pas de boulot à côté, elles sont dégoûtées de tout. Alors que nous, on travaille avant, pendant et après. On les accompagne. Six de nos filles ont passé le BAFA et travaillent dans des centres sociaux. Nous, on paye pas, on fait les choses humainement, en bons pères de famille. »

Voir : Foot féminin : des sirènes bien en jambes.


1 Lire à ce propos la revue Mouvements, n°78, été 2014.

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