Cap sur l’utopie

Fuck work !

La couverture du livre "Fuck work !", de James Livingston

7 décembre 2018. À Bruxelles aussi, où ça va regileter jaune demain, on baigne en plein roman-feuilleton émeutier. Comme on annonce des charges de cavalerie sur les manifestants, des gusses invitent ceux-ci à se munir de billes métalliques à lancer sous les sabots des canassons de la répression. Effet rodéo d’enfer garanti. Et bien sûr perplexité de l’ami farouche des bêbêtes que je suis. Pour désamorcer les charges à cheval moins belliqueusement, d’autres camerluches proposent qu’on se pointe aux affrontements de rue avec force poussettes contenant de faux bébés (des poupées).

Mais trêve de landaus et de bourriques ! J’ai une rubrique anarcho-littéraire à tenir, mille tonnerres ! Octobre 1917-2017 – D’un communisme décolonial à la démarche des communs de Catherine Samary (éd. du Croquant) rappelle scrupuleusement quels ont été pendant un siècle les faux remèdes cardinaux les plus prescrits aux maladies sociales graves : le bureaucratisme d’État lénino-stalinien, la révolution permanente à la Trotski dans la dictature sur le prolétariat, l’autogestion yougoslave orchestrée de haut en bas, le castrisme castrateur, le dégel khrouchtchevien poisseux, le centralisme démocratique entubeur new look. Et la camarade Catherine Samary, du Conseil scientifique d’Attac, d’opposer diététiquement à tous ces culs-de-sac une « appropriation plurielle des expériences et résistances progressistes passées comme présentes ». Soit, explicite-t-elle, favoriser la création à toute occasion d’une tapée de « communautés d’intérêt autogestionnaires ». Un programme qui ne tient qu’à vous de formuler d’une façon plus youplaboum.

C’est un des points forts de l’essayiste du New Jersey James Livingston. Son Fuck Work !, traduit depuis peu en français pour la collection « Champs » de Flammarion, va droit à l’essentiel – bye, bye turbin ! – dans un langage spitant1. Le pamphlet recoupe les grands classiques du brûlot anti-taf (signés Paul Lafargue, Yves Le Manach, Raoul Vaneigem, Corinne Maier ou Albert Paraz) en analysant férocement ce que Freud appelait «  la compulsion de travailler ». Il démontre balèzement qu’on peut vraiment en finir pragmatiquement avec le cauchemar du travail. Il célèbre le plaisir tant vilipendé de gaspiller son temps et confronte perversement les joyeusetés du plein emploi avec celles de la pleine jouissance.

C’est le massacreur de communards Adolphe Thiers (1797-1877) qui a le mieux résumé, avec un bon siècle d’avance, les enjeux du livre du professeur flemmartiste Livingston : « Je veux rendre toute puissante l’influence du clergé parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : “Jouis.” »

Noël Godin

1 Vif, enjoué (belgicisme).

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1 commentaire
  • 2 avril 2019, 08:58

    Fuck Work est un livre sans intérêt. Il ressasse et il est assez mal écrit.
    Amicalement.