Les extrêmes droites européennes face au réchauffement

Entre négationnisme climatique et « nationalisme vert »

En Europe, des partis d’extrême droite commencent à reconnaître la réalité du dérèglement climatique. Mais c’est pour mieux vendre leur amour des frontières et leur haine des migrants.
Illustration de Jérémy Boulard le Fur

Groupe de chercheurs et militants issus de différents pays, le Zetkin Collective s’est penché, dans Fascisme fossile (La Fabrique, 2020), sur le rapport de l’extrême droite aux énergies et au climat. Et après analyse de « ce que les principaux partis d’extrême droite ont dit, écrit et fait à propos du climat dans treize pays européens », une conclusion s’impose : leur positionnement « par défaut » relève du négationnisme climatique.

Ainsi de Nigel Farage qui, alors patron de l’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), déclare en 2013 : « Nous entrons actuellement dans une période de quinze à trente ans de refroidissement climatique global. Nous avons fait l’une des plus grosses et stupides erreurs collectives de tous les temps en nous inquiétant d’un réchauffement climatique. » Trois ans plus tard, l’AFD (Alternative pour l’Allemagne) prétend dans son programme que « le dioxyde de carbone n’est pas un polluant, mais un élément indispensable à la vie ».

Lunaire ? Certes. Mais une nuance importante s’impose, prévient le Zetkin Collective : « Ces idées ne sont pas gravées dans le marbre ni d’ailleurs uniformément réparties parmi ces forces politiques. Au contraire, l’extrême droite est en constante fluctuation. » Ainsi en 2019, après des élections européennes décevantes, des membres de l’AFD réclament un aggiornamento programmatique, par crainte de « perdre le contact » avec les jeunes générations. Le dérèglement climatique doit être reconnu, mais traité avec des solutions maison : faire en sorte, par exemple, que l’aide allemande au développement versée aux pays pauvres soit conditionnée à « une politique de l’enfant unique pour combattre la surpopulation, l’un des problèmes climatiques les plus importants ». À l’AFD, nous apprend le Zetkin Collective, la tentative de changement de ligne échoue, et le négationnisme climatique reprend rapidement ses droits.

En France, l’évolution semble plus durable : au climatoscepticisme de Le Pen père (parlant en 2007 d’un réchauffement « plus probablement d’origine solaire qu’industrielle et humaine ») succède au cours des années 2010 une sorte de « nationalisme vert ». N’ayant jusqu’alors qu’un vide abyssal à proposer sur les thématiques écologiques, le Front national / Rassemblement national s’en empare peu à peu, en les cuisinant à sa façon. Tête de liste du parti aux européennes de 2019, Jordan Bardella déclare ainsi : « Le meilleur allié de l’écologie, c’est la frontière. »

Et les réfugiés climatiques ?

Le Zetkin Collective s’interroge : comment définir ce « nationalisme vert » qui essaime aux quatre coins du continent ? « Il semble avant tout arrimé à la conviction que la protection de la nature passe par celle de la nation blanche. S’il ne nie pas la crise écologique, il l’utilise comme argument pour fortifier les frontières. Il impliquerait donc un relookage de quelques mesures nationalistes comme remède, comme le protectionnisme, aujourd’hui vanté pour ses vertus écologiques. Mais le motif qui gouverne tous les autres, c’est de stopper et d’inverser l’immigration. »

Que les futurs réfugiés climatiques soient prévenus : il y a peu de chances qu’ils soient considérés comme bienvenus.

Clair Rivière
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Cet article a été publié dans

CQFD n°205 (janvier 2022)

Dans ce numéro vert de rage, un dossier « Pour en finir avec une écologie sans ennemis ». Mais aussi : une escapade en Bosnie en quête d’étincelles sociales, l’inaction crasse du gouvernement envers les femmes handicapées, l’armée qui s’incruste à l’école, des slips chauffants, des libraires new-yorkais atrabilaires, des mômes qui attaquent Disneyland…

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