Des grévistes-utopistes de choc : les « éteigneurs d’étoiles »

Dans l’étude savante du professeur Stéphane Sirot sur Le Syndicalisme, la politique et la grève (éd. L’Arbre bleu) – qui montre fort bien comment les syndicats de la Belle Époque se sont mis peu à peu à forniquer avec le patronat –, il y a, néanmoins, quelques pages galvanisantes sur le syndicalisme d’action directe claquant au vent comme une sorte d’utopie mise en actes.

On y dresse le portrait du savoureux agitateur ouvrier au chapeau melon Émile Pataud qui fut le fer de lance entre 1902 et la première charcuterie mondiale des syndicats de producteurs d’énergie désireux de mettre à bas l’État bourgeois. C’est à ce jovial mais déchaîné Pataud, bien connu pour ses répliques cinglantes et, lit-on dans un numéro des Hommes du jour, pour sa « verve gavroche », que l’on doit la confection, en compagnie du

par Rémi

cher Émile Pouget (vivat le Père Peinard !), du roman utopiste d’agit-prop Comment nous ferons la Révolution (1909). Dans ce brûlot, réédité par Syllepse il y a dix-sept ans, une grève générale, déclenchée par une répression policière, finit par déboucher sur « le renversement du capitalisme » et « l’accouchement d’un monde nouveau ». Avant d’en arriver là, les insurgés pratiquent euphoriquement le sabotage : « De la poudre d’émeri avait été jetée dans les paliers et dans les coussinets ; certains enduits avaient été arrosés d’acide sulfurique, ce qui provoquait leur incendie au bout de peu de temps ; des appareils, des tableaux de distribution avaient été mis en court-circuit. » Et dans le chapitre « Que les ténèbres soient ! », les électriciens-gaziers plongent Paris dans l’obscurité.

Passant de la fiction à la réalité, en 1905, Pataud et ses camerluches inaugurèrent une nouvelle technique de grève : la coupure de courant. En riant comme des bossus, raconte-t-on, ils interrompirent l’éclairage de l’hôtel Continental où séjournait le ministre du Travail René Viviani, puis refirent le coup à l’Opéra de Paris alors que le roi du Portugal était dans la salle. Cette extinction abrupte des feux dans la Ville-Lumière s’avéra payante. Très inquiet, le gouvernement améliora aussi sec les conditions de travail des énergéticiens. Et Émile Pataud fut bientôt surnommé par une certaine presse « l’éteigneur d’étoiles ».

Je profite qu’on cause sabotage pour vous convier à commander aux petits Suisses antipatriotes des éditions Entremonde leur ressortie récente des Autoréductions de Yann Collonges et Pierre Georges Randal, un hymne chaouaga aux grèves d’usagers souvent cocasses dans la France et l’Italie des années 1972-1976.

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1 commentaire
  • 22 mars 2012, 22:36, par Bouffeplantu

    Ils avaient de la chance de ne pas avoir un Plantu serpillère du pouvoir qui les aurait assimilés à des tortionnaires de l’armée U.S...