L’édito du n°238
Comme un ouragan brun
Un multimilliardaire exécute des saluts nazis à la tribune lors de la prestation de serment d’un multimilliardaire. Dans la foule, d’autres multimilliardaires applaudissent. Adoubement techno-facho. La scène aurait suscité l’attention du regretté Daniel Guérin, qui décrivait déjà l’alliance sordide entre grands patrons et nazillons dans Fascisme et grand capital, publié en 1936 et maintes fois actualisé. Il y voyait l’expression du pourrissement du capitalisme, où le projet fasciste n’a d’autre ambition véritable que « d’enrayer, par des moyens artificiels, la chute des profits d’un capitalisme privé devenu parasitaire […]. Et pour prolonger le règne de cette oligarchie, il accélère la ruine de toutes les couches de la population. » Jouissant de l’éternelle quête du bouc émissaire, les accélérateurs du désastre trouvent partout des supporters ruinés ou pas loin de l’être, prêt à sauter pieds joints et mains liées dans le ravin, qu’importent les leçons de l’histoire.
Réécrire l’histoire est une technique récurrente des régimes autoritaires
Pour le Space nazi, il suffit de prétendre que c’est un salut romain ! Et tant pis si le salut romain bras tendu n’a jamais existé. Car c’est en 1937 que le mythe se forge dans un film de propagande du régime fasciste italien, Scipion l’africain, imaginant un rapprochement entre le geste nazi et le salut antique. Malin, il Duce. Réécrire l’histoire est une technique récurrente des régimes autoritaires. Mais tout le monde ne s’y trompe pas. En guise de représailles, des activistes allemands ont projeté un portrait géant d’Elon Musk sur une usine Tesla, à Grunheïde près de Berlin, écrivant « Heil » à côté de l’enseigne. Dans le même pays, Musk multiplie d’ailleurs les prises de position en faveur de l’AfD, parti de l’extrême droite, ascendant nazi. Ce dernier est même parvenu à faire péter le cordon sanitaire en concluant une alliance avec la droite traditionnelle sur une proposition de loi restreignant l’immigration. Le texte n’est pas passé. Pour cette fois.
En France aussi, c’est peut-être toute une classe politique qui s’apprête à embrasser pleinement les thèmes de l’internationale fasciste
En France, là où le cordon n’est pas plus solide que du fil dentaire, certains s’amusent à passer de l’autre côté, tel Bayrou qui, submergé d’appels du pied de toutes parts, enfile ses bottes et reprend le bréviaire mensonger anti-immigration. Et c’est peut-être toute une classe politique qui, inquiète de sa survie et de celles de ses ami·es milliardaires, s’apprête à embrasser pleinement les thèmes de l’internationale fasciste. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Daniel Guérin nous laissait sur un triste constat : « La classe ouvrière […] à l’heure de la décomposition de l’économie capitaliste, n’a pas su, paralysée par ses organisations et par ses chefs, conquérir le pouvoir, afin de substituer le socialisme à un régime économique dont ses défenseurs mêmes admettent qu’il a du plomb dans l’aile. » Faisons mentir l’histoire.
Cet article a été publié dans
CQFD n°238 (février 2025)
Dans ce numéro, un dossier sur la Syrie post-Bachar, avec un reportage sous les bombes turques à Kobané. Mais aussi des nouvelles de Mayotte où il faut « se nourrir, reconstruire et éviter la police ». On se penche également sur une grève féministe antifasciste et sur la face cachée des data centers. Puis on se demandera que faire de la toute nouvelle statue du général Marcel Bigeard, tortionnaire en Algérie, qui vient d’être érigée en Lorraine – un immense scandale.
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n°238 (février 2025)
Dans la rubrique Édito
Par
Mis en ligne le 07.02.2025
Dans CQFD n°238 (février 2025)
Derniers articles de L’équipe de CQFD