Édito-sommaire

Au sommaire du n°152

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En une : « Chroniques portuaires » de Baptiste Alchourroun.
Un article sera mis en ligne, chaque semaine. Les autres articles seront archivés sur notre site quelques mois plus tard. D’ici-là, tu as tout le temps d’aller saluer ton kiosquier ou de t’abonner...

Au temps béni des colonies

La France est un beau pays, mais son indécrottable nostalgie peut devenir, à la longue, tuante. Pendant combien de générations faudra-t-il encore attendre, patiemment assis au bord de la rivière (oued, en arabe), à regarder voguer les cadavres, avant qu’elle ne renonce aux oripeaux de son glorieux passé colonial ?
Voilà qu’un banquier photogénique, qui jusque-là chevauchait fièrement la crête haute des sondages, souffre soudain un brusque trou d’air dans les intentions de vote après avoir déclaré, histoire de se donner une stature internationale, que «  la colonisation est un crime contre l’humanité, une vraie barbarie ». Patatras ! Impardonnable manquement à la chansonnette de Sardou. Au doux songe du « rôle positif » des armées civilisatrices et « des colons à cigare et cravache1 » ! Remember le débat en 2005 autour du vote d’une loi mémorielle2 : « Il y a eu des instituteurs qui ont alphabétisé, il y a eu des médecins qui ont soigné », clamait l’alors ministre de la police Sarkozy.
Ils seraient presque attendrissants ces notables de la droite rance, toujours virils bien que spirituellement cacochymes, quand ils caressent dans le sens du poil de la bête leur électorat pied-noir, harki, militaire à la retraite ou franchement facho… Ils nous feraient presque sourire si leurs simagrées ethnocentriques et autres frimes patriocardes n’avaient de graves conséquences sur l’imaginaire national et les doctrines du maintien de l’ordre dans les quartiers populaires.
Les socialistes, quant à eux, n’ont jamais été en reste pour s’enliser dans les sables des expéditions de pacification, de Jules Ferry à François Mitterrand. C’est bien SOS-Racisme qui a pris en tenaille, juste en face du FN, les marcheurs pour l’Égalité et contre le racisme de 1983, les reléguant d’abord au statut de victimes (la main jaune semblait dire : « Bouge pas, mon pote, on s’occupe de tout ! »), pour mieux ensuite les assigner à une race, à une religion, puis à un rôle d’épouvantail émeutier / terroriste. C’est cette injonction à rester sur le pas de la porte qui s’est craquelé ces jours-ci, quand les lycées parisiens ont été bloqués en solidarité avec les banlieusards contre les violences policières. Bienvenu(e) s chez vous ! Il était temps. Parce que Théo et Adama, comme l’élève (noir) du lycée Bergson pendant le mouvement contre la loi El Khomri, ils l’ont senti passer, cette putain de nostalgie.

* CQFD prépare pour avril un dossier « racisme et violences policières »concocté au plus près de la rue.

Dossier : Chroniques portuaires

Par Hector de la Vallée

Faire place portuaire > S’il se dit que la géographie sert d’abord à faire la guerre, l’inverse est aussi vrai. En témoigne la politique industrialo-portuaire qui profite de la « table rase » pour réaménager Le Havre. Ou du moins, pour s’y essayer.

Le Havre. Le dernier bar de docker > Jean-Pierre Levaray, qui nous a conté pendant de nombreuses années ses aventures à l’usine, est normand. C’est donc en régional de l’étape qu’il va nous parler du port du Havre et de ses dockers rebelles. Choses vues et entendues.

Les rendez-vous manqués des quais > Bastion communiste depuis la seconde moitié du XXe siècle, les dockers ont vu leur métier détruit par la conteneurisation et attaqué par les politiques néo-libérales européennes. Retour sur la réforme de leur statut et sur la question syndicale à travers l’exemple du port de Saint-Nazaire.

La croisière abuse > Désormais premier port de croisière français, Marseille se frotte les mains – les immenses navires se bousculent au portillon. Champagne ! Mais si la municipalité se félicite des (prétendues) retombées financières, elle ne dit mot des lourdes nuisances qui accompagnent ce tourisme caricatural. Histoire d’un naufrage.

« Que diable allaient-ils faire dans cette trière ? » > Le gouvernement Tsipras et l’oligarchie grecque ont tout fait pour que la compagnie para-étatique chinoise COSCO prenne possession du Pirée, l’un des principaux ports de commerce de la Méditerranée. Pas vraiment une aubaine pour les travailleurs grecs. C’est en tout cas ce que disent les premiers concernés, lesquels évoquent un véritable bordel organisé. Enquête aux portes d’Athènes.

Pas de mac, pas d’amarres > Les ports, elle connaît. Depuis ses 17 ans, Delphine y vit. C’est une « fille qui travaille » comme elle dit. Elle est prostituée. Dans sa bouche où le français et l’espagnol sont indissociables, elle nous a raconté son histoire. Aussi une histoire de la place des femmes dans les ports. Dans les années 1970, cette femme colombienne circule du Panama à la Guyane française, autour de la mer des Caraïbes. Toujours, elle est restée la même - une femme forte, qui sait ne pouvoir compter que sur elle-même. Jamais de maquereau ni d’amoureux ni d’amarres.

Nouadhibou. La ville des rêves échoués > Respiration photographique.

Les damnés de la mer > Les ports étant superfliqués depuis le 11-Septembre, les passagers clandestins seraient-ils en voie d’extinction ? Rien n’est moins sûr. Mais la mer est parfois chargée de leur disparition. Le profit des armateurs ne supporte pas les déperditions, même passagères.

Parking-sur-mer ou l’éloge du mouvement > S’abriter ou se réfugier, se reposer, réparer, assécher les fonds et faire sécher les cirés. Se ravitailler en produits frais et en eau. Pour un voyageur à la voile, l’abri portuaire apparaît souvent comme une halte bienfaitrice, mais reste un lieu où l’on ne souhaite pas s’éterniser. L’obsession ? Vite larguer les amarres pour échapper à ces espaces chics et surveillés.

Enquêtes et reportages

Par L.L. de Mars

En finir avec la hoggra > Cette humiliation vécue au quotidien par les habitants et habitantes des quartiers populaires face à la police a trouvé une médiatisation inattendue avec l’ « affaire Théo ». Retour sur un mois de colère et de luttes dans tout l’Hexagone.

Trilogie hivernale en pays gavot > En 268 avant Jicé, les troupes d’Hannibal remontaient la vallée de la Durance pour tenter de mettre une roustasse à la Rome antique. Deux millénaires de chaos plus tard, ce sont à d’autres armées que les habitants de ce bout des Hautes-Alpes se trouvent funestement confrontés. Les électriciens à très haute tension, parangons assumés de la surconsommation énergétique, ont fini par s’intéresser au corridor durancien – pour le foutre en l’air. Les éléphants ont fait place aux bulldozers. Mais, tandis que les travaux de construction de ces nouvelles lignes THT continuent d’éventrer nos montagnes, de sympathiques et sportives formes d’intervention ont vu le jour sur les pylônes défigurant la vallée.

Non-candidature indigène contre projets de mort > La proposition zapatiste d’une candidature indigène aux présidentielles mexicaines de 2018 aura surpris tout le monde. À commencer par les membres du Congrès national indigène (CNI). Mais la force de l’armée zapatiste (EZLN) n’est-elle pas d’être toujours là où on ne l’attend pas ? Et d’ailleurs, sera-t-elle vraiment de la partie électorale ? CQFD a envoyé deux reporters dans les montagnes du Sud-Est mexicain pour tirer cette histoire au clair.

Linky : du lien avec qui ? > Paranos et hypocondriaques, les opposants au compteur « intelligent » qu’Enedis (ex-ErDF) prétend imposer à 35 millions de foyers ? Plutôt de lucides usagers, échaudés par une énième promesse de progrès s’avérant nuisible à la santé autant qu’aux libertés.

« On a raison de se révolter ». Rencontre avec Michelle Zancarini-Fournel > Il est des livres rares qui vous saisissent par la richesse de leur propos, la puissance du verbe, le souffle émancipateur. Les Luttes et les Rêves. Une histoire populaire de la France, de 1685 à 2005, de Michelle Zancarini-Fournel, est un ouvrage érudit et accessible, fourmillant d’anecdotes. On peut le lire d’un trait. Ou y revenir et le consulter à la manière d’une encyclopédie du peuple d’en bas. Incontournable !

Taxe d’habitation à Marseille. Ignoble avec les faibles... > Le processus de gentrification, qui, dans les rêves les plus fous de la mairie, doit aboutir à reléguer en périphérie une bonne moitié de la population marseillaise, passe aussi par un alourdissement continuel de la fiscalité locale. Face à ce nouvel épisode de la guerre aux pauvres, un seul mot d’ordre : faut pas payer !


1 Dixit Albert Camus.

2 Dite « Loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ».

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