30 ans d’utopie rurale

Hameau perdu dans les contreforts pyrénéens de Navarre, Lakabe a fêté ses 30 ans d’occupation en mars 2010. Une occupation rurale qui a porté ses fruits puisque aujourd’hui pas moins de sept villages de la vallée, squattés à leur tour, multiplient, chacun à leur manière, de prometteuses expérimentations sociales.

Dans le temps, il fallait parcourir une piste à peine carrossable durant près d’une heure pour atteindre Lakabe, village abandonné lors du grand exode rural des années 60. Aujourd’hui, à cause du barrage d’Itoiz, qui a englouti le fond de la vallée, une route toute neuve passe deux cents mètres en contrebas. Peu utilisée, c’est à peine si elle altère le calme régnant dans les parages.

« Notre but n’a jamais été d’imiter le style de vie des anciens habitants, qui était rude, explique Alfre, un des fondateurs du nouveau Lakabe. Nous aimons vivre bien et nous invitons le voisinage à nos fêtes. » Un petit tunnel, taillé dans le buis, mène à un groupe de maisons de pierre restaurées avec goût. « Ayant appris sur le tas, nous avons acquis une telle réputation de maçons et de charpentiers qu’on nous appelait de toute la région pour retaper de vieilles baraques. Mais nous avons arrêté, car nous ne sommes pas venus ici pour retomber dans le salariat ! »

Une quarantaine de personnes vivent ici dans un système communautaire ouvert et flexible, qui vise simplement l’autosuffisance. Chacun apporte ses compétences et ses envies sans trop se prendre la tête avec les horaires et les tours de rôle. Potagers et vergers côtoient les maisons, dispersées à flanc de colline. Les pins plantés par le gouvernement ont été peu à peu remplacés par des chênes et des pommiers. Lâchés dans le maquis ou en enclos, vaches, poules, cochons,moutons et chevaux matérialisent le conte de la laitière. Une éolienne pas du tout industrielle, associée à quelques panneaux solaires, fournit le jus nécessaire à la vie locale. Une station-service bricolée est dissimulée dans des fourrés, selon la technique « roule ma poule ». « On ne peut pas vivre ici sans bagnole. Et nous n’avons jamais renoncé aux voyages et à la curiosité », clarifie Illé.

Les besoins en argent liquide sont couverts par la vente de pain. Une des maisons est parfois louée pour des séminaires, où l’on cause du coopérativisme agricole ou des questions de genre.

Les repas du midi sont pris en commun dans le réfectoire ou sur une esplanade ornée d’un globe futuriste.Le soir, les « familles » affinitaires se replient sur leurs pénates. Chaque ferme porte un nom propre, comme le veut la tradition locale.

Un Gaztetxe (« maison des jeunes » en basque) est en voie de construction. La relève générationnelle semble assurée et l’inventivité originelle n’a pas décru. Illé est née ici, dans les premières années de l’installation. Il y a un an et demi, elle a accouché de Demba, 1 ère pousse de la 3e génération. Parmi les nouveaux arrivants, Luis, le père de Demba, était éducateur dans un centre de désintox pour ados proche de Lakabe. Un « lieu de vie » fermé où la réhabilitation des drogués passait par le travail de la terre. La contrainte ne faisant pas le poids face à la libre expérimentation, Luis a fugué, et avec lui quelques-uns des jeunes pensionnaires du Patriarche. L’une d’entre eux, Inma, est même restée ici, sans renier ses goûts musicaux et ses attitudes de gamine des cités. Sa présence est la preuve que l’aventure a de beaux jours devant elle.

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