Une sonderie de Libération

Chez Libé, ce matin1, ils ont fait une « une » hyper-flippante, qui dit comme ça, sur la foi d’un « sondage » évidemment « exclusif » et en lettres d’onze mètres (au moins) d’haut, que : « 30 % n’exclueraient [sic] pas de voter Le Pen », pour la présidentielle qu’on avons dans quelques mois.

Sauf qu’en vrai ? Quand tu te penches d’un peu près sur cette sonderie faite « les 5 et 6 janvier, par téléphone » auprès d’un « échantillon de 2 011 adultes représentatifs de la population française » ?

Tu t’aperçois que ses résultats sont nettement moins nets que ne veut le suggérer l’une de Libé, puisqu’à la question (débile) : et toi, Raymond(e), si que « le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain » (plutôt que dans quelques mois), tu pourrais-tu « voter pour Marine Le Pen ? »

8 % seulement des sondé(e)s répondent qu’« oui, certainement », ils voteraient certainement pour elle (si l’élection présidentielle n’avait pas lieu aux dates prévues) – cependant que 10 % répondent qu’« oui, probablement ».

Total : 18 % de 2 011 adultes narrent qu’ils voteraient bien pour la Pen, dimanche. On parle donc ici, si t’as bien compté, de 361,98 adultes2 : je dis pas que c’est rien, mais je maintiens que c’est (beaucoup) moins que je n’ai d’abord pensé en lisant le GROS titre d’une de Libé.

Par contre : 12 % des sondé(e)s font valoir que, pour ce qui les concerne, non, merci, ils ne vont « probablement pas » donner leurs voix au FN – et 68 % jurent qu’ils ne vont « certainement pas » faire ça, attends, Demorand, pour qui tu m’as pris ?

De surcroît : 15 % seulement des interrogé(e)s souhaitent une « victoire » pénique – alors que 31% voudraient que Sarkozy gagne.

De sorte que Libé aurait pu titrer, en lettres d’onze mètre (au moins) de haut, que « 80 % ne souhaitent pas voter dimanche prochain pour Le Pen » : c’eût été plus conforme à la réalité de son son-de-mes-deux-dage exclusif.

Mais aussi : c’eût été moins fouettant.

Or, à Libé : ils aiment bien se faire peur avec l’FN. En 2002, rappelle-toi : ils se sont transmutés pendant quinze jours, entre les deux tours de la présidentielle, en bulletin ronéotypé de la Résistance – c’était du style never mind the gros fafs, here’s Laurent Joffrin, et, nous vivant(e)s, no pasaran, ooooh non, Raymond(e).

Moyennant quoi, en 2007, « ils » sont quand même passés, planqués dans la poche révolver de Sarkozy, qui vient de consacrer un entier quinquennat à mettre en œuvre de (très) gros bouts du programme frontique – mais là-dessus ?

Libé glisse, préférant nous maintenir dans l’idée que l’UMP de Guéeux und Hortefant3 serait mieux fréquentable que le parti pénien : ce n’est qu’au prix de cette édifiante manip, que Libé peut hurler que 30 % des Françousques veulent voter pour la Pen, et ne pas s’alarmer qu’ils soient 31 % à vouloir voter pour Sarkozy.


1 Lundi 9 janvier 2012.

2 Je suppose que le 362e a quelques doigts de pied qui manquent, ou alors il est tout petit, comme Sarkozy, de sorte qu’il compte pour 0,98.

3 Attention, contrepèterie.

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