Vox poetik # 7 - Jack Spicer

« Un endroit où Billy The Kid peut se cacher quand il tire sur les gens »

Mortibus et inutile la poésie ? Que nenni. Cette chronique « Vox Poetik » reviendra régulièrement vous le seriner en vous proposant des extraits qui nous hérissent les chakras. Septième salve, un sanglot de tristesse quand la radio annonce la mort de Billy the Kid, soufflé par le poète américain Jack Spicer, qui prit la poudre d’escampette au mitan des années 1960 mais annonça bien des horizons.

Parfois la poésie c’est échapper à ce gris février corbeau en cherchant un héros de légende comme Billy the Kid : lointain, bancal, ensablé dans le passé, vaniteux, un salaud sans doute avec du sang sur les mains, mais plein et entier, encore môme, avec des flingues qui font bang bang, et qui dans l’idéal renverserait l’existant comme une table de jeu où quelqu’un a triché, boum,

Parfois la poésie est comme Jack Spicer (1925-1965), qui mit un grand coup de botte dans le marécage littéraire américain, annonçant les beats, les hippies & co, clamant notamment une élégie poétique destinée à Billy the Kid, inspirant bien plus tard par chez nous l’illustre Rodolphe Burger et son Kat Onoma originel (vidéos ci-dessous),

Parfois la poésie parle avec les fantômes, les redresse, et s’insurge contre les Pat Garrett de ce monde, celui qui un jour de juillet 1881 descendit en traître un kid encore tout jeunot, avant de tenter d’en réécrire l’histoire,

Parfois la poésie se réveille avec une radio qui grésille et qui annonce la mort de Billy, encore, merde alors – the radio that told me the death of Billy the kid

« La radio qui m’apprit la mort de Billy The Kid

(Et le jour, un jour chaud d’été, avec des oiseaux dans le ciel)

Laissez-nous inventer une frontière – un poème où quelqu’un pourrait se cacher avec la troupe du shérif après lui – un millier de kilomètres de cela si cela lui est nécessaire de faire un millier de kilomètres – un poème sans virages durs, sans maisons pour s’y perdre, sans filets dissimulés de magie habituelle, sans vendeurs juifs new-yorkais de pyjamas améthyste, juste un endroit Billy The Kid peut se cacher quand il tire sur les gens.

Jardins des supplices et trains touristiques. La radio

Qui m’apprit la mort de Billy The Kid

Le jour un jour chaud d’été. Les routes poussiéreuses pendant l’été. Les routes allant quelque part. Vous pouvez presque voir où elles vont par-delà le violet sombre de l’horizon. Pas même les oiseaux ne savent où ils vont.

Le poème. Dans toute cette distance qui pourrait reconnaître son visage. »

Jack Spicer, Billy The Kid (1958), C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça, traduction Éric Suchère, Le Bleu du Ciel, 2006.

Précédents épisodes Vox Poetik :
#1 : « Je crache sur votre argent en chien de fusil » (Gaston Miron)
#2 : Le toast de l’ami italien (Erri de Luca)
#3 : « Aux personnes qui me merveillent » (Valérie Rouzeau)
#4 : « Des têtes de fromages de tête » (Jacques Prévert)
#5 : « Paix sur la terre aux pommes de terre » (Brigitte Fontaine)
#6 : « Les dieux sont au PMU » (Kae Tempest)

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Paru dans Vox Poetik
Par L’équipe de CQFD
Mis en ligne le 04.02.2022