Nécro trop tôt

Un dernier ver, Arthur ?

ET MERDE. Arthur, notre Arthur, a cassé sa pipe le 17 juillet dernier. Le numéro d’été bouclé, nous avions prévu de nous la couler douce. Elle fut plutôt bien amère, au coin de l’œil. Henri Montant – de son vrai blaze – participa à l’aventure de Charlie-Hebdo, le vrai, celui de François Cavanna et du Professeur Choron. En 1972, il lança, avec Pierre Fournier, autre énergumène de la bande à Charlie, le premier canard écolo : La Gueule ouverte, le journal qui annonce la fin du monde. Des précurseurs : dès le deuxième numéro, Arthur faisait émerger les risques de marée noire inhérents à la construction de plates-formes pétrolières. Les ingénieurs de BP en ricanaient…

Tuthur ne s’est jamais départi de ses convictions écolo-déconnantes. On le retrouvera en 1991 dans La Grosse bertha, où il fut, là aussi, en avance sur son temps en se fâchant avec le « curé » Philippe Val. Plus tard, il sévira sur le site Bakchich.info, dans Siné Hebdo ainsi que dans les « Zig-zags » du Canard enchaîné. C’est en février 2004 qu’il débuta sa collaboration avec CQFD où, dans sa chronique intitulée « Tout doit disparaître », il menait la vie dure au nucléaire, au pétrole, au faussaire Claude Allègre et à tous les richards en 4x4.

Le bougre débarquait parfois de sa Bretagne, casquette vis sée sur le crâne et pipe clouée au bec : « Appelle les autres, je vous invite à déjeuner. J’ai une retraite, moi !  », rigolait-il en exhibant sa carte Gold sous nos nez de chômeurs heureux. Devant sa bavette, il ne tarissait pas d’éloges à l’égard de notre canard. Mais si nous faisions mine de déplorer nos ventes insuffisantes, il nous tançait gentiment : « C’est votre titre qui est nul. CQFD, ça va pas. » Immanquablement, il racon- tait, hilare, que La Gueule ouverte aurait pu s’appeler Le Marchand de journaux est cocu ! Puis, il recommandait au serveur une bouteille de rouge et, à nous, de passer hebdo : « C’est le rythme qui convient pour ce type de presse. Faites comme à Charlie à l’époque : cha- cun sa page, et courage ! » Vint sa saloperie de crabe, le billard, la chimio… Joint par téléphone deux semaines avant que la Camarde ne l’invite à son tour, il nous avait dit, rigolard : « Vous me ferez une belle nécro, hein ! Encore que non, je vais l’écrire. Comme ça, je ne serai pas déçu ! » Il n’a rien rédigé, la feignasse ! Par vengeance, nous avons fait livrer à ses funérailles un bouquet orné d’un ruban où était écrit : « Lisez CQFD – 2,20 euros – le 15 du mois en kiosque. » « Pfff… Nul, ce titre ! », devait-il penser dans sa boîte en bois.

Dernière minute : Mercredi 8 septembre, l’ami Bernard Réglat, cofondateur de l’Imprimerie 34 à Toulouse, a définitivement stoppé les rotatives. La grande faucheuse a décidément une dent contre nos vieux anars à bouffarde…

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