Dossier spécial

USA : droit dans le mur

S’il y a un thème qui a dominé la campagne présidentielle de l’ogre Donald Trump, c’est bien celui de l’immigration, immanquablement traitée sous le prisme de « l’invasion ».

S’il y a un thème qui a dominé la campagne présidentielle de l’ogre Donald Trump, c’est bien celui de l’immigration, immanquablement traitée sous le prisme de « l’invasion ». Sous son impulsion, une avalanche de saillies racistes a inondé les médias, dépeignant les personnes en exil, et en premier lieu les Mexicains, comme des « meurtriers », des « violeurs » ou des « voyous ». Avec parfois quelques variantes : les immigrés haïtiens « mangent les animaux domestiques des habitants », les migrants ont de « mauvais gènes » qui les poussent au crime et « empoisonnent le sang » de l’Amérique, etc. Une focale réactionnaire, raciste et répressive qui a submergé le narratif déployé autour de la frontière américano-mexicaine, contaminé les esprits, et donné l’élan électoral nécessaire à la désastreuse victoire du toxique en chef.

Mais Trump et son aréopage de fous dangereux ne sont pas les seuls à déshumaniser les personnes en exil. Chez les Yankees (comme ailleurs), la question des barrières frontalières et du repli identitaire n’avance pas seule. Elle est portée par un écosystème politico-médiatique de plus en plus poreux aux plaidoiries haineuses et fascistes. Derrière les discours, bien sûr, une réalité économique : les technologies sécuritaires rapportent du fric, et les migrants, du fait de leur extrême précarité, constituent une main-d’œuvre peu chère et corvéable à merci.

Loin de porter un projet d’émancipation, la gauche molle américaine menée par Kamala Harris n’a eu de cesse de s’aligner sur ce nivellement identitaire par le bas, échouant totalement à composer une alternative enviable. Ce que dénonçait Naomi Klein dans un récent entretien1 : « Sur l’immigration, [Kamala Harris] a passé son temps à répéter qu’elle était plus dure que lui. Elle a joué selon ses règles, adopté son discours, abandonné tout principe de solidarité, d’universalisme. C’est un renoncement collectif. Maintenant que Trump promet de mener une politique qui ressemble de plus en plus au fascisme, nous allons voir qui nous sommes vraiment. » Notons qu’Emmanuel Macron, qui continue de paver la voie de l’extrême droite en France, s’est empressé de féliciter Trump pour sa victoire et s’est dit prêt à travailler « avec respect et ambition » à ses côtés.

Hors des fantasmes entretenus par les démocrates et républicains, il y a une réalité. Celles et ceux qui passent la frontière, risquent leur vie, se font enfermer et déporter. Celle des habitants de villes coupées en deux, qui se regardent à travers le mur de la honte. Celle des militants et journalistes qui tentent d’y tailler des brèches. C’est à ce réel qu’on s’est cognés, pendant un mois, avant les élections, en remontant la frontière qui sépare les États-Unis du Mexique, d’ouest en est. On vous livre ici quelques reportages, entretiens, réflexions. Un dossier en forme de témoignage, dans un tournant fasciste, au cœur du laboratoire sécuritaire que constituent les frontières. Depuis ce pays à travers lequel on peut voir, en miroir, ce qui se passe ici, ce qui se passe partout : un étau qui se resserre.

Dossier coordonné par Émilien Bernard et Pauline Laplace

1 « La gauche n’a pas pris la mesure du projet civilisationnel de la droite radicale », Télérama (17/11/24).

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Cet article a été publié dans

CQFD n°236 (décembre 2024)

Dans ce numéro, vous trouverez un dossier spécial États-Unis, faits de reportages à la frontière mexicaine sur fond d’éléction de Trump : « Droit dans le mur ». Mais aussi : un suivi du procès de l’affaire des effondrements de la rue d’Aubagne, un reportage sur la grève des ouvriers d’une entreprise de logistique, une enquête sur le monde trouble de la pêche au thon.

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