Il y a, curieux climat, ces gens de chez nous la gauche, qui depuis quelques temps vont psalmodiant que ça commence à bien faire, tous ces engagements un peu subalternes dans lesquels d’aucun.e.s veulent nous faire oublier l’essentiel, qui est que si nous restons groupé.e.s sous l’ombre portée de Vladimir Illich O. : toutes nos difficultés relationnelles s’en trouveront résolues, signe là, steuplaît. Ces gens qui assènent qu’ils en ont ras le béret du postcolonialisme et des gender studies – que des trucs de Yankees, tavu –, je dis pas que c’était pas utile en 1995, quand il restait çà ou là quelques dominations pas complètement résolues, mais là, franchement, ça va trop loin, la « race » et le genre, d’accord, mais l’analyse marxiste des rapports de classe, hein ? T’en fais quoi, de l’analyse marxiste des rapports de classe ?
Ces gens qui voudraient en somme, et au curieux prétexte de la revitaliser, amputer la gauche de quelques organes vitaux…
Les éditions Lux viennent de publier le dernier livre de Noam Chomsky [1], qui depuis tant de temps tient, lui, bon an, mal an, le cap d’une pédagogie progressiste parfaitement accessible, minutieusement articulée, et dans laquelle il n’est, surtout, jamais question d’abandonner aux fabricant.e.s du consentement la concession d’un renoncement, ou d’un quelconque acquiescement de fait aux procédés – islamophobes, par exemple – par quoi ils maintiennent leur emprise.
Il s’agit, encore une fois, d’une longue dénonciation, impeccablement argumentée et assurément matérialiste, de « la dévastation économique attribuable au capitalisme contemporain » – un « “ capitalisme réellement existant ” radicalement incompatible avec la démocratie ». Mais elle a ceci de revigorant, dans le moment de grande confusion décrit plus haut, qu’elle ne s’interdit nullement, une fois redites ces immuables vérités, de rappeler aussi quelques autres évidences complémentaires – comme celle-ci, par exemple : « Aucune loi ne devrait interdire aux femmes de porter le voile ou le maillot de bain de leur choix. Il faut appliquer les valeurs séculières, ce qui inclut le respect des choix individuels dans la mesure où ceux-ci ne nuisent pas à autrui. Ces principes sont bafoués lorsque l’État s’immisce dans des domaines qui devraient relever du choix personnel. »
Ça fait du bien, t’as vu ?