Un livre conçu en taule où Ernest Armand s’est retrouvé cinq ans pour « complicité en désertion », dans lequel il encourage la « désappropriation » des corps, l’homosexualité trépidante, l’amour anti-exclusiviste, l’exhibitionnisme glamour, le bacchanalat ludique, le voyeurisme cordial et l’assouvissement de toute autre forme d’« appétit amatif » croustillant en nous ou imaginé de toutes pièces : « Forgeons-nous d’abord d’inédites nécessités, d’originales aspirations et préoccupons-nous de découvrir les ressources pour les satisfaire. »
Dans ce brûlot torride qui annonce les appels au plaisir sans entraves des enragés soixante-huitards ou les frasques libidinales des yippies de San Francisco, on ne cesse pas de définir exhubéramment, et ça fait un bien fou, ce que c’est que de vouloir « vivre à sa guise » : « C’est donner libre cours à vos fantaisies et à vos caprices en tant qu’ils n’impliquent pas contrainte ou empiétement sur autrui et surtout sur ceux qui marchent en votre compagnie ; recherchez, provoquez, goûtez, appréciez les émotions troublantes, les sensations électrisantes, les jouissances aiguës, les aventures vertigineuses que la vie offre. »
On a souvent traité Ernest Armand de fieffé égoïste ne remettant aucunement en cause le monde du flic et du fric avec ses incitations à l’explosion voluptueuse. C’est injustement oublier que c’était la libération sexuelle pour tous qu’il réclamait à sons de trompe et qu’il entendait en faire une arme révolutionnaire au même titre que le refus immédiat de l’obéissance et de l’encasernement. « La propagande par l’exemple, les actes d’initiatives collectifs en matière économique finiront par détruire l’édifice social érigé par l’autorité et la violence. »
[/Noël Godin/]