Mais qu’est-ce qu’on va faire de… Frédéric Van Roekeghem
« Nous avons enregistré en 2012 le rythme d’évolution des dépenses de santé le plus bas jamais atteint depuis 1995 […] Nous enregistrons aussi un recul des arrêts maladie, le nouveau mode de calcul entré en vigueur en 2010 produit ses effets, tout comme notre politique de contrôle des abus », affirmait Frédéric Van Roekeghem interviewé dans Challenges – le magazine des winners de l’entrepreneuriat – le 11 janvier dernier. Ce polytechnicien n’est rien de moins que l’indéboulonnable baron de la Sécurité sociale : depuis neuf ans, Frédéric Van Roekeghem est en effet directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Amoureux des arcanes du pouvoir, il était entre autres conseiller du gouvernement Juppé au début des années 1990, ou encore directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy en 2004.
Mais Fredo a surtout débuté sa carrière au sein de la Direction générale de l’armement, ce qui lui vaut le doux surnom de « Rocky » et de 2001 à 2003, a été responsable à l’audit du groupe d’assurances Axa. Un militaire au service du pouvoir et des assureurs privés, qui dit mieux pour restructurer la Sécurité sociale ?
Dès sa prise de fonction sous le gouvernement Raffarin, Rocky veut mettre K.O. le déficit de la Sécu et pilote une réforme en 2004 pas piquée des vers : forfait d’un euro par acte de soin, renforcement des contrôles et de la lutte contre les fraudes, pénalisation financière si le patient ne choisit pas de médecin traitant ou encore dossier médical personnel numérique, l’objectif est de « responsabiliser » le patient tout en réorganisant les services de la Sécu. L’Assurance maladie est devenue sous les ordres de Rocky un organisme de contrôle des patients, mais aussi des praticiens de santé, où performance et rentabilité sont désormais à l’ordre du jour. En 2006, Frédéric Van Roekeghem fait ainsi signer à 15 000 médecins-conseils une convention mettant en œuvre une rémunération aux résultats, ainsi qu’un « contrat d’amélioration des pratiques individuelles ».
En 2007, Rocky remonte sur le ring avec l’instauration des franchises médicales, la mise sous pression économique croissante de l’hôpital public ou des logiques tarifaires qui perpétuent les dépassements d’honoraires et favorisent les déserts médicaux… Le programme est simple : désengager au fur et à mesure l’État de la protection sociale et laisser de plus en plus de place dans le système de soins aux assureurs privés au détriment des plus précaires. La solidarité inhérente à la Sécurité sociale transformée en punching-ball en somme.
« A chaque nouvelle mesure, l’usager devient client et son accès aux soins est de plus en plus déterminé par sa situation socio-économique », résume le Syndicat de la médecine générale1.
En 2008, Frédéric Van Roekeghem tente un ultime uppercut à travers un plan d’économies qui comportait une baisse du remboursement de 100 % à 35 % des médicaments à vignette bleue pour les malades en affection longue durée… une mesure qui fit un véritable tollé général tant elle aurait pu discriminer les personnes handicapées et les populations fragiles atteinte du cancer, du diabète, du VIH, etc.
Dernière offensive en date de Rocky, la généralisation du numérique dans le secteur de la santé. « Alors que dans le reste de l’économie les nouvelles technologies créent des potentialités, améliorent la qualité et diminuent les coûts, la santé affiche un certain retard […]. Nous travaillons à ce que tous les professionnels de ville disposent d’un équipement informatique et de logiciels médicaux », affirmait-il, en novembre dernier, devant la Commission des affaires sociales du Sénat. Carte vitale numérique, téléconsultation, bases de données centralisées et partagées, chirurgie robotisée à distance, domotique pour le maintien à domicile... autant d’outils numériques « d’e-santé » en pleine expansion pour optimiser le soin-marchandise et en terminer avec la Sécurité sociale en tant que « garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes2 ».
1 La Franchise sur les soins, une injustice sociale et une atteinte au système solidaire français d’accès aux soins et à la santé, Syndicat de la médecine générale, 2007.
2 Ordonnance du 4 octobre 1945 portant sur la création de la Sécurité sociale.
Cet article a été publié dans
CQFD n°111 (Mai 2013)
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Paru dans CQFD n°111 (Mai 2013)
Dans la rubrique Mais qu’est-ce qu’on va faire de…
Par
Illustré par Pirikk
Mis en ligne le 02.07.2013
Dans CQFD n°111 (Mai 2013)
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7 mars 2014, 14:20, par octopus
Il fut même un temps où écrire à la sécu ne coûtait rien... Mais ça c’était avant !
13 août 2014, 17:25, par jcjos
Bonjour, Vous citant dans mon article je vous en laisse le lien ! http://www.jcjos.com/2014/08/dix-an...