Mais qu’est-ce qu’on va faire de Maud Fontenoy ?

À deux jours du bouclage, l’éternel stagiaire de CQFD va encore ramer… « Hé  ! Coco  ! Fais-nous donc un papier bien senti sur la voileuse Maud Fontenoy, tout le monde en parle. Trouve un angle original et ponds-nous un article mordant. Hop, t’as deux heures. » Merci bien les gars  ! Sortez les avirons et souquez ferme.

En naviguant sur Internet, en lisant les nombreuses revues auxquelles nous sommes abonnés, force est de constater que tout a été dit sur la sportive-aventurière-écolo-de-droite-pronucléaire/gaz-de-schiste/OGM-prosélyte-en-milieu-scolaire-standardisé-adoratrice-de-Sarko et j’en passe…

Par Pirikk.

Après avoir traversé l’Atlantique puis le Pacifique à la rame, Maud s’est amourachée des océans qu’il faut préserver, et du capitalisme qu’il faut protéger des rétrogrades écolos dogmatiques. Délaissant la Grande Bleue pour les plateaux radio et télé, elle est allée défendre sa cause et ses nombreux bouquins par monts et par vaux  : vive l’écologie… mais au service de la croissance, de l’industrie, du travail, de la science, du progrès ! Comme si cela ne suffisait pas, Maud Fontenoy a monté une fondation qui porte intelligemment son propre nom et qui est généreusement soutenue par toute une palanquée d’amoureux des hommes et de la nature : Carrefour, EDF, Orange, Bolloré ou encore la Marine nationale… Cette Maud Fontenoy Fondation se donne pour mission d’apprendre aux écoliers comment sauver la planète et les océans sans nuire à la croissance et à la marche glorieuse du progrès grâce aux petits gestes écolos du quotidien : « Moins laver sa voiture », « Utiliser l’eau de pluie pour arroser son jardin », « Moins prendre de bains ». Tout cela à l’aide de jolis « kits pédagogiques » écolo-citoyens que le ministère de l’Éducation nationale encourage à compulser en classe.

Du pain bénit pour les collègues du mensuel La Décroissance qui se sont fait un malin plaisir de tailler une combi de plongée pour Maud dans leur numéro de mai dernier  : « Maud Fontenoy, le sous-marin (vert) du capitalisme ». Et reporterre.net, sous le titre éloquent « Maud Fontenoy, l’imposture écologiste » se fait jeu de souligner les liens entre sa fondation et le patronat, François Pinault en tête, qui en est l’un des trois directeurs. Acrimed, de son côté, se gausse de l’attitude servile des médias dominants envers la prétendue experte de l’économie écologique. Didier Porte, sur le site de « Là-bas si j’y suis », le 24 février dernier, s’est amusé à piétiner toutes les convictions de la navigatrice… En même temps, dire que « le gaz de schiste est devenu un atout écologique » (Le Parisien, 30/01/14), c’est un peu gonflé. Même la tête à claques Aymeric Caron de la télé (« On n’est pas couché », 12 avril 2014) s’est fait un malin plaisir de renvoyer madame à ses contradictions. Maud défend le nucléaire parce que ça fait des emplois ? Aymeric lui envoie à la gueule Fukushima. Et boum  ! Remarquez qu’elle s’en fout un peu  : elle vit la plupart du temps à Tahiti où les centrales nucléaires sont rares, et elle est bien soulagée que le gaz de schiste n’arrive pas à Papeete…

Peuchère  ! Il n’en fallait guère plus au toujours et encore stagiaire de CQFD pour prendre la navigatrice du bio en empathie  : tout le monde lui tape dessus ? C’est qu’elle doit avoir plein de qualités  ! Et puis quoi ? Rien que les titres de ses bouquins, c’est mignon tout plein  : Ma maison écolo, Mon bébé écolo, Mon océan écolo, Mes vacances écolos (le tout aux Editions du Chêne)… Nous attendons avec gourmandise la suite  : Mes programmes spatiaux écolo, Mon drone écolo, Ma ferme des 1000 vaches écolo… Car la télégénique figure de proue du greenwashing triomphant n’a pas dit son dernier mot : « On ne doit pas sombrer dans l’idéalisme qui fait qu’on ne voit plus le monde tel qu’il est. […] Aujourd’hui, ça ne suffit plus les discours dégoulinants de bon sens (sic). Il faut être pragmatique. » (Paris Match, 13/05/15) Et en effet, dans son dernier livre Les Raisons d’y croire (Plon), elle s’attaque au « principe de précaution » qui, selon elle « ralentit considérablement la recherche et l’innovation ». Les irradiés de Fukushima, les malades de l’amiante, les nappes phréatiques empoissées par les recherches de gaz de schiste, les abeilles exterminées par les insecticides, les vaches folles et les autres apprécieront.

Bon… alors… Qu’est-ce qu’on va faire de Maud Fontenoy (dans un verre d’eau) ? Mais qu’on l’envoie aux galères  ! Et que je cesse de ramer sur cet article.

Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
1 commentaire
  • 15 juillet 2015, 14:59, par MonPseudonyme

    > Les irradiés de Fukushima

    Il n’y en a pas, de par la réaction plus rapide des autorités japonaises pour déplacer les gens. En même temps, difficile de faire pire que les autorités ukrainiennes du temps de l’URSS.

    Consultez donc des sources non-partisanes, comme l’OMS. Le sujet est suffisamment grave pour ne pas perdre de temps avec la propagande, d’où qu’elle vienne.

    En mettant les choses au pire, il vaut mieux un accident nucléaire tous les trente ans qui rend inaccessibles quelques centaines de km² inaccessibles pendant des décennies plutôt que de continuer à produire notre électricité avec des énergies fossiles (charbon/gaz = 65% de l’électricité mondiale ; 50%… en Allemagne).

    En passant, pourquoi n’évoque-t-on jamais l’accident de Three Mile Island ? Est-ce parce que c’est la preuve pas l’expérience que, dans une centrale bien conçue, ’un accident nucléaire très grave peut n’avoir aucune conséquence autre que la perte d’un réacteur ? C’est sûr que ça démolie en bonne partie l’argumentaire écolo.

    Un peu de lecture : www.bertrandbarre.com/quisuisje_fr.htm

    • 17 juillet 2015, 13:01, par Billy le Lapin

      Il faut être quand même sacrément gonflé pour nier que la catastrophe nucléaire de Fukushima n’a irradié personne ! Il est fort probable que l’OMS n’a (encore) dénombré aucun décès... Car cela va sans doute demander quelques années avant que les cancers ne tuent les irradiés.

      Mais dans tous les cas, on ne peut pas nier que les radiations, dans l’eau, le Pacifique, l’air, la terre, seront sans conséquences pour la faune, la flore et en bout de la chaine alimentaire, les humains.

      Ce n’est pas de la "propagande" écolo que le dire et de le dénoncer. Mais je suppose que pour vous, toute littérature critique du nucléaire -produite souvent à perte- est forcément de la propagande alors que les pubs d’EDF ou d’Areva massivement présentes dans les rues, magazines, télés, radios... sont des informations objectives sympathiquement offertes pour éclairer le citoyen sans arrière pensée mercantile ou politique.

      Ce n’est pas les "écolos" qui opposent, tel que vous le faite, le charbon au nucléaire ! C’est la propagande du lobby nucléariste : "soit l’atome, soit le charbon. Soit les radiations, soit le réchauffement." Comme seuls horizons pour la vie, la société, la politique, merci mais non merci.

      Et puis à propos de l’incident de 3 Miles Island, cela ne prouve rien d’autre qu’aucune centrale nucléaire, aucun système politique ou économique, ne nous garantissent de la menace d’un accident majeure. S’il fallait de nouvelles preuves, Fukushima en est une autre. Laquelle demain ? Tricastin ? Iter à Cadarache ? Les quelques milliers ou même centaines de km2 de Provence inhabitables pour des dizaines (au moins) d’années (et leurs habitants humains ou non) vous méprisent profondément d’ors et déjà.

      Je ne vous salut pas.

    • 2 septembre 2015, 23:04

      mais non billy t’as pas compris : les pro nucléaires n’ont même pas peur pour eux car ils ont une armure spéciale (pas en peau de lapin) qui les protègera en cas d’accident ; moi je dis, on pourra les parquer dans les zones évacuées et leur faire manger de la salade poussée au pied du réacteur.

Paru dans CQFD n°133 (juin 2015)
Dans la rubrique Mais qu’est-ce qu’on va faire de…

Par Julien Tewfiq
Illustré par Pirikk

Mis en ligne le 12.07.2015