Les têtes d’orage de l’anarchisme sans dogmes

par Rémi

« Le rêve aussi doit avoir sa prise de la Bastille », s’écriait le poète-agitateur grec Nicolas Calas. Ce pourrait être la devise de la petite maison d’édition artisanale insurgée de Ménilmontant, Rue des Cascades, dont tous les titres nous proposent situationnistement, comme son auteur-clé Raoul Vaneigem, de « créer à la fois notre propre destinée et les situations favorables au bonheur de tous ». Dans le jubilatoire L’État n’est plus rien, soyons tout, le compère Raoul en appelle à « un système de collectivités autogérées » instaurant le règne de la gratuité totale et du refus des sujétions.

Pour Tomás Ibáñez, dans le secouant Fragments épars pour un anarchisme sans dogmes, il s’agit avant tout de « faire voler en éclats la réalité tangible de l’autorité qui nous écrase pour que chacun puisse, sans contraintes, choisir sa voie » et vivre sa vie à sa manière sans chercher à imposer sa conception du bonheur, tel un Edmond Rostand précisant superbement : « Je ne voudrais pas d’un paradis où l’on n’eût pas le droit de préférer l’enfer. »

Le chantre surréaliste méconnu de l’automatisme graphique Adrien Dax, qui a guerroyé à toute occasion pour une rééducation libératrice de la vue, claironne dans ses Écrits allumés (1950-1980) qu’il serait corniaud de ne pas emboîter le pas à Charles Fourier lorsqu’il proclame que le travail doit réellement devenir une « fête perpétuelle » et que la révolution, ce n’est pas l’abolition du luxe mais le luxe pour tous.

Dans un même état d’esprit « revergondeur », Jérôme Peignot, dans le très inspiré Les Jeux de l’amour et du langage, souligne que ce qui apparente Fourier à Sade, c’est qu’ils veulent tous deux « faire coïncider le vertige du plaisir à la marche de la Terre roulant sur elle-même ». L’Argentin Christian Ferrer, pour sa part, oppose fortichement, dans Têtes d’orage. Essais sur l’ingouvernable, le monde du travail, de l’argent, des pouvoirs hiérarchisés, à l’internationale des groupes affinitaires libertaires projetant de le réduire en miettes.

Mais ce qui fait de Rue des Cascades l’éditeur attitré des utopies radicales de nos temps, ce sont bien sûr tout d’abord ses chroniques embrasantes des soulèvements mexicains réimaginant le vivre-ensemble : Mexique, calendrier de la résistance ; L’Autonomie, axe de la résistance zapatiste ; Échos du Mexique indien et rebelle ; La Commune d’Oaxaca. Viva la Revolución !

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