Un combat pas que syndical
« Les McDo » de Marseille : touchés mais pas coulés
Il n’est pas rare que des clients s’arrêtent encore. Mais sur la porte du McDonald’s de Saint-Barthélemy, une affiche les arrête : « Restaurant fermé. Le patron ne nous laisse pas travailler ! »
Le 12 décembre, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la Sodeba, la société franchisée qui exploitait le fast-food. Un McDo en faillite ? Rarissime, voire inédit. Près de deux ans que les salariés se battaient pour éviter la fermeture de ce qui était, pour eux et les cités alentours, bien plus qu’un austère distributeur de burgers : un lieu de convivialité et un important pourvoyeur d’emplois, au milieu de quartiers où le chômage bat son plein. Mais aussi un solide bastion syndical, où les employés, à force de grèves et de détermination, avaient obtenu des avantages sociaux extraordinaires au pays de l’oncle Ronald. Kamel Guemari, délégué syndical, en est persuadé : c’est pour mettre fin à cette anormalité que le gérant franchisé et McDonald’s France ont volontairement « laissé crever » la boutique1.
La liquidation aurait pu aboutir au licenciement pur et simple des salariés. McDo France aurait alors tranquillement disposé à sa guise des murs et du fonds de commerce, qui lui appartiennent. C’était sans compter sur la résistance des employés qui, dès le jugement prononcé, ont occupé les lieux, de jour comme de nuit, avec le soutien de quelques camarades du centre-ville. L’endroit a même accueilli des assemblées interluttes, regroupant des Gilets jaunes et d’autres militants. Cocasse trace du passage de cette diversité revendicatrice : un tag « McZad » sur le mur de la terrasse.
L’autre (grosse) épine dans le pied de McDo France est venue du tribunal. En prononçant la liquidation de la Sodeba, le juge commissaire a résilié le contrat de location-gérance. Conséquence : aux yeux du liquidateur judiciaire, les salariés de la Sodeba sont désormais ceux de McDo France. « On est prêts à reprendre le travail, explique un employé. On a même rouvert le restaurant le temps d’une journée. D’ailleurs, une huissière est passée ce jour-là et elle a pu constater que tout était fonctionnel. Mais très vite, McDo France nous a coupé le système informatique : on a dû fermer de nouveau. »
La maison-mère finira-t-elle par permettre la réouverture de l’établissement ? Ou proposera-t-elle aux salariés un reclassement dans un autre McDonald’s ? une indemnité de départ ? Payera-t-elle les salaires de décembre, comme elle en a l’obligation ? À l’heure où ces lignes sont écrites, les employés n’en savent rien. Une chose est sûre : ils sont là. Et ils ne partiront pas sans ferrailler.
1 Quitte à utiliser des méthodes pour le moins douteuses. Lire « Ça s’est passé comme ça chez McDonald’s… », CQFD n° 169 (octobre 2018) et « “Les McDo” de Saint-Barth’ : une lutte de quartier(s) », CQFD n°181 (novembre 2019).
Cet article a été publié dans
CQFD n°183 (janvier 2020)
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Paru dans CQFD n°183 (janvier 2020)
Dans la rubrique Actualités
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Mis en ligne le 06.01.2020
Dans CQFD n°183 (janvier 2020)
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