CHRONIQUE JUDICIAIRE

Le train-train de la justice industrielle au TGI de Lyon

Six mois de prison pour avoir vendu des clopes dans la rue.

À proximité du marché clandestin du centre ville, surnommée « la place », Yacine, 34 ans, et Rachid, 32 ans, vendent des paquets de cigarettes. Depuis quelques mois, la police, aidée par les caméras de surveillance, filme et interpelle les acheteurs afin de les contraindre à dénoncer leur vendeur.

Le lendemain de leur interpellation, le 23 janvier 2013, les deux compères passent en comparution immédiate.Ils reconnaissent les faits, soit treize à quatorze cartouches écoulées chaque jour. Achetées trente euros l’unité, elles sont stockées chez des commerçants du quartier ou dans la voiture de Yacine avant d’être revendues entre trente-cinq et quarante euros.

Ce dernier est séparé de sa femme et vit avec les 760 euros de son allocation Adulte handicapé. Quant à Rachid, qui dit au juge ne pas savoir qu’il est interdit de vendre du tabac dans la rue, il travaille parfois en intérim dans le bâtiment ou la restauration. Il dort chez des amis, souvent à l’hôtel et précise : «  C’est pour ça que je vends des cigarettes, le logement coûte très cher. »

Le procureur affirme que le plus âgé des deux est l’organisateur du trafic puisqu’il a déjà été poursuivi pour des faits similaires. Il requiert six mois de prison avec sursis pour Rachid et une peine qui « ne devra pas être inférieure à douze mois de prison avec mandat de dépôt »pour son ami.

par L.L. de Mars

Leur avocat explique que le tabac est devenu un produit de luxe et que lui-même, lorsqu’il part à l’étranger, se fait systématiquement harceler par ses amis pour qu’il leur ramène des clopes. « Lorsque l’on habite à proximité d’une frontière, on la traverse pour acheter des cigarettes : à Lyon on va à “la place” », affirme-t-il avant de faire remarquer que les douanes ne se sont pas manifestées, preuve s’il en est qu’il s’agit bien d’un trafic dérisoire. Il plaide pour une sanction du type jour-amende et rappelle que « le gouvernement a récemment encouragé les magistrats à ne pas surcharger les prisons. » Le tribunal en décide autrement. Rachid prend six mois de prison avec sursis et Yacine est envoyé en prison pour une durée similaire.

La menace de la prison et le travail gratuit comme remède à la misère.

Ginette a 62 ans. Elle habite Givors, petite ville industrielle sinistrée, à 25 km au sud de Lyon. Après 24 heures de garde à vue, elle passe en comparution immédiate, en ce 23 janvier 2013. Elle est accusée d’avoir retiré 100 euros avec sa carte bleue puis de l’avoir déclarée volée. Elle vit seule, touche 777 euros de retraite et doit payer 300 euros par mois d’indemnité judiciaire pour une précédente affaire. Elle fait le ménage dans les écoles et les cantines aux aurores, en intérim. Ses enfants sont grands, elle ne les voit plus. Elle parle parfois au téléphone avec sa fille.

Le 18 décembre, elle achète deux paires de chaussons et un peu de nourriture avec les 100 euros qu’elle a retirés au distributeur automatique. Devant un tel gaspillage, un ami la réprimande sévèrement. Pour ne pas perdre sa considération, elle lui raconte qu’elle s’est fait voler sa carte bleue et va aussitôt au commissariat déposer une plainte. La caméra de surveillance du distributeur automatique la dénoncera. Le tribunal la condamne à un mois de prison avec sursis et à quarante-huit heures de travaux d’intérêt général.

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