Cuisine collective

Le retour des marmitons de la révolte

En septembre 2017 (CQFD n° 157), nous avions laissé l’équipe des auteurs de Cantines sur la promesse d’une réédition de leur « Précis d’organisation de cuisine collective ». Aujourd’hui, c’est chose faite pour continuer à alimenter nos côlons et nos colères.
Par Jean-Michel Bertoyas

Au lieu du mois annoncé, c’est plus d’un an de boulot qu’il aura fallu à cette équipe pour nous mitonner cet opus, revu et augmenté, ardemment attendu par la communauté des cantiniers et cantinières. Les pros comme les impétrants. Ceux et celles de France, de Navarre et même d’Europe. Un succès d’autant plus remarquable que la première édition de l’ouvrage, sans baigner dans les fonds de sauce de la distribution underground, ne s’est pas appuyée sur les réseaux de diffusion classique. Autoédités, présents dans les espaces militants et les petites librairies, promus par le bouche-à-oreille, les mille exemplaires s’étaient écoulés en quelques mois.

Comme promis, la réédition s’enrichit d’un cahier couleur mettant en valeur les drôles de machines utilisées par ces aventuriers de l’art culinaire au service des publics les plus variés à nourrir et des causes les plus nobles à défendre. Et vice-versa. Dans une ambiance dantesque de feux d’enfer, ce sont marmites géantes construites avec les métaux les plus divers, tuyaux et cheminées de toutes les formes et de tous les diamètres, remorques anonymes transbahutant ces batteries de cuisine dans les petits matins de campagnes sévèrement périphériques.

Comme promis, la seconde partie du précis réimprimé s’agrémente de nouveaux récits narrant les aventures cantinesques les plus récentes. Juste pour vous mettre l’eau à la bouche, on peut citer le « Cartel de cantines », collectif de cantines basé à Rennes mais ayant vocation à rayonner sur le Grand Ouest. « L’idée c’est de pouvoir apporter à des gens qui sont en grève des paniers de légumes et de produits alimentaires soit issus de l’autoproduction soit qui viennent de récup’ (chez les maraîchers ou autres). Ces derniers mois, ça a surtout été pour les postiers de Rennes qui ont fait quatre mois de grève. […] Ça leur a permis de faire beaucoup moins de courses et donc a participé à ce qu’ils puissent continuer leur grève aussi longtemps. »

Mention spéciale à nos collègues de l’Avenir de Brest (l’auteur assume le choix d’expériences breizho-centrées) chez qui nous avions fêté les quinze ans d’existence du journal en juin 2018. L’une des attractions de ce lieu récupéré par des habitants et habitués du quartier Saint-Martin est un four de grande taille démonté pièce par pièce dans une cave à proximité et patiemment remonté sous un hangar. « Sur pas mal d’événement organisés par le collectif de l’Avenir ou d’autres gens, il y a souvent des repas collectifs qui sont préparés. Et sur les fournées de quartier où les gens viennent avec leurs pâtons déjà levés […], on demande aussi aux gens de venir avec de quoi partager un repas, et puis certains ramènent des tartes à cuire dans le four encore chaud après la fournée. Il y a plutôt une volonté de se retrouver, manger ensemble, cuire du pain ensemble, ça fait des moments assez chouettes et on s’est rendus compte que ça parlait à plein de gens. » Avec un bon coup à boire pour faciliter le transit verbal.

Comme promis, la première partie de Cantines offre quelques recettes aussi savoureuses qu’inédites. Nous ne dévoilerons ici que les secrets du mystérieux Menu 1 (pour 100 personnes). Bonne lecture et… bon appétit !

Iffik Le Guen

Poursuivez la lecture de la main à la main (prix fourchette entre 5 et 10 euros) ou en librairie (10 euros). Les commandes sont toujours à passer chez ail@riseup.net.


Menu 1

Flageolets à la sauce tomate et à l’ail accompagnés de navets rissolés à l’huile d’olive et au tamari

Dans un wok bien huilé, cuire à feu vif (en trois fois) les six kilos de flageolets (cuits la veille), pour les faire fondre. Les aromatiser avec de l’ail en poudre et du thym. Réserver. À la troisième session ajouter tous les flageolets et la sauce tomate et, si nécessaire, des épices. Laisser mijoter trente minutes ? Réserver dans le thermos. En même temps, découper en tranches grossières les dix kilos de navets (cuits la veille), et les faire suer dans un wok (en quatre fois) avec de l’huile d’olive, un peu de sucre, de la cannelle et de gros morceaux d’ail, déglacer au tamari quand les navets semblent saisis. À la quatrième session, remettre tous les navets dans le wok pour les réchauffer. Réserver dans un autre thermos. On peut servir ces deux plats avec un peu de riz blanc et une crudité bien vinaigrée.

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