La culture comme machine de guerre : c’est pas nous qu’on le dit.

Quand CQFD avance que la culture hors-sol de Marseille-Provence 2013 (MP 2013) n’est qu’un volet d’une politique de reconquête de Marseille menée au détriment des plus pauvres, on en voit qui ricanent. De même, lorsque le Front des réfractaires à l’intoxication par la culture (FRIC) avance sur le site marseille-en-guerre.org que «  le marketing urbain [de MP2013] ne fait que tuer à petit feu l’âme et l’esprit de la ville », d’aucuns les considèrent comme un groupuscule de passéistes anisés – qu’ils ne sont pas1. Sauf…

Sauf que les contempteurs de l’année capitale culturelle ne sont point de tristes Cassandre. Ils se contentent de lire – la presse officielle et spécialisée notamment, ainsi que les avis d’expulsion – et de constater.

Constater, par exemple, que le 1er février dernier, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment titrait en une : « Marseille 2013, la culture refait la ville ».

Constater que lors du 24e Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) qui s’est tenu à Cannes (Alpes-Maritimes) du 11 au 14 mars, les représentants officiels de la cité phocéenne – Eugène Caselli, président PS de Marseille Provence Métropole (MPM, la communauté urbaine), Jacques Pfister, président de la Chambre de commerce et d’industrie et de l’association MP 2013, Guy Teissier, député-maire UMP des Bouches-du-Rhône et président d’Euroméditerranée2, etc. – « n’ont pas oublié de parler du levier de développement que représente l’année culturelle », comme le souligne La Provence3. « Développement » du gros pognon, s’entend. « Le monde économique et le monde culturel ne sont pas étrangers à notre réussite. Nous avons changé de braquet. La capacité de mobilisation de ce territoire est là et elle va rester », a asséné Jacques Pfister, l’homme qui fait du l’art. Une fois les saltimbanques de 2013 partis cracher du feu plus loin, les tristes clowns poursuivront la « réhabilitation » de Marseille afin qu’elle entre – enfin ! – « dans le Top 20 des grandes métropoles » comme l’espérait Roland Blum, le premier adjoint UMP de la ville, dans les allées du Mipim. Même les professionnels de l’urbanisme de combat ne s’y trompent pas : un développeur de BNP Paribas Real Estate, numéro un du service en immobilier d’entreprise, assurait à Cannes que « la capitale culturelle, c’est une carte de plus, comme le musée Guggenheim à Bilbao. Ça fait parler et ça apporte un contrepoids intéressant à la délinquance » qui, elle, fait fuir les investisseurs.

Constater, enfin, que quand un locataire désargenté se fait mettre à la porte, c’est avec la bénédiction fortuite de Marseille-Provence 2013. Nadia a reçu en janvier 2013 un courrier de la Préfecture des Bouches-du-Rhône lui indiquant qu’un huissier allait se radiner pour l’expulser du logement qu’elle occupait « sans droit ni titre » avec son mari et ses deux enfants. L’appartement étant insalubre – de la moisissure noire recouvrait les murs du sol au plafond –, et son propriétaire n’effectuant aucuns travaux, la locatrice avait cessé de payer son loyer. Le tribunal d’instance de Marseille a donc décidé de la mettre à la rue. C’est en toute objectivité que les détracteurs de l’année culturelle ont pu constater que l’avis d’expulsion était agrémenté du logo de Marseille-Provence 2013 du plus bel effet. Un hasard administratif, à n’en point douter, mais qui cristallise la proximité de la capitale culturelle avec ces artistes politico-économiques qui s’évertuent à nettoyer Marseille au profit d’un « développement » défendu les petits-fours à la main.


1 Enfin… passéistes, c’est sûr que non.

2 Euroméditerranée est une opération de rénovation urbaine en cours à Marseille, mêlant « urbanisme, développement économique et culturel, architecture et immobilier ».

3 « La capitale culturelle comme levier économique », La Provence, 15 mars 2013.

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