Un bouquin de mise au point

Antisémitisme : face à l’indulgence, l’intransigeance

Dans Les Empoisonneurs, Sébastien Fontenelle montre notamment comment les éditocrates réactionnaires minorent l’antisémitisme issu de leur rang, alors qu’ils mettent régulièrement en exergue celui exprimé par certains musulmans. Un autre avatar de l’islamophobie.
D.R.

Il existe deux sortes de lecteurs : ceux qui ont déjà ouvert un livre de Sébastien Fontenelle, et les autres. Pour ces derniers, c’est très simple : qu’ils ne s’embarrassent pas des lignes qui suivent, et foncent se procurer ses bouquins. Quant aux premiers, on leur conseille de poursuivre cette lecture – avant de se rendre à la librairie la plus proche.

En apprenant que l’ex-chroniqueur de CQFD (il l’est toujours à Politis) publie un nouveau livre intitulé Les Empoisonneurs – antisémitisme, islamophobie, xénophobie (Lux, 2020), ses attentifs lecteurs pourraient s’exclamer : « Quoi ? Encore un bouquin sur les “grands” journalistes et gros penseurs qui amalgament au quotidien immigration, islam et, parfois, terrorisme ? Ça va, je l’ai déjà lu… »

Cela pourrait. Mais non. Après ses ouvrages La Position du penseur couché (Libertalia, 2007), Les Briseurs de tabous (La Découverte, 2012) et Les Éditocrates 1et Les Éditocrates 2 (La Découverte, 2009 et 2018)1, Sébastien Fontenelle s’est remis à la tâche. Non pour recycler un sujet déjà traité, mais bien pour en creuser la veine. Il le précise dans son texte introductif, où il rappelle avoir démontré dans ses précédentes publications que les principales « victimes de [la] brutalité verbale [des propagandistes réactionnaires] sont “les migrants” […] et, plus encore, “les musulmans” ». Lesquels éditocrates « passent leur temps à suggérer que les migrants et les musulmans seraient antisémites ». Ici, il va affiner son angle, prouvant exemples à l’appui que « ces mêmes accusateurs font parfois preuve d’étonnantes complaisances : lorsqu’ils se trouvent confrontés, dans leurs alentours culturels ou idéologiques, à des considérations équivoques – ou plus nettement problématiques – sur les Juifs ou sur “l’histoire de la Seconde Guerre mondiale”, il arrive ainsi qu’ils fassent preuve de beaucoup d’indulgence ».

Et l’auteur de multiplier les exemples engrangés depuis les années 2000, et de pointer : la complaisance de l’essayiste Alain Finkielkraut envers l’écrivain Renaud Camus lorsque ce dernier s’offusque de l’influence des « collaborateurs juifs de [l’émission] Panorama de France Culture » ; l’affirmation du journaliste Ivan Rioufol selon laquelle il serait interdit de « discuter de la Shoah » ; l’indulgence du délinquant multirécidiviste Éric Zemmour envers Louis-Ferdinand Céline et ses écrits antisémites ; la sympathie du néo-Marseillais inadopté Franz-Olivier Giesbert pour feu l’académicien – très – proche de l’extrême droite Michel Déon ; la complaisance (encore) dont font preuve Alain Finkielkraut (encore) et Éric Zemmour (encore) envers l’antisémite notoire Charles Maurras quand, en 2018, le gouvernement renonce à « célébrer » son « œuvre »…

Une indulgence d’autant plus insupportable quand les mêmes instrumentalisent l’indispensable combat contre la haine des Juifs pour jeter l’opprobre sur la communauté musulmane.

Jean-Baptiste Legars

1 Le premier a été coécrit avec Mathias Reymond, Olivier Cyran, Mona Chollet, le second avec les deux derniers cités et Laurence de Cock.

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