L’indignation tranquille
En 1996, Viviane Forrester, critique d’art, publie L’Horreur économique (Éditions Fayard). L’auteur envoie du gros, comme on dit, contre la dictature de la finance et ce monde globalisé où l’économie, essentiellement virtuelle, devient la mesure exclusive de l’activité. Quelques extraits épars : « Une quantité majeure d’êtres humains n’est déjà plus nécessaire au petit nombre qui, façonnant l’économie, détient le pouvoir. Des êtres humains en foule se retrouvent ainsi, selon les logiques régnantes, sans raison raisonnable de vivre en ce monde où pourtant ils sont advenus à la vie. […] Qu’elle qu’ait pu être l’histoire de la barbarie au cours des siècles, jusqu’ici l’ensemble des humains a toujours bénéficié d’une garantie : il était essentiel au fonctionnement de la planète comme à la production, à l’exploitation des instruments du profit dont il figurait une part. Autant d’éléments qui le préservaient. Pour la première fois, la masse humaine n’est plus matériellement nécessaire. » Le bouquin s’est vendu à 350 000 exemplaires.
Les Nouveaux Chiens de garde (Éditions Raisons d’agir), écrit par Serge Halimi, sort en 1997. L’auteur s’en prend aux collusions de la presse – qui, pourtant, ne cesse de se déclarer indépendante – avec les pouvoirs politiques, médiatiques et économiques. Plus de 200 000 exemplaires vendus.
En 1999, le sociologue Loïc Wacquant publie Les Prisons de la misère (Éditions Raisons d’agir), livre dans lequel il décrit les raisons du quadrillage intensif de la police dans les quartiers, de la répression contre les jeunes, de l’augmentation de la population carcérale, du démantèlement des aides sociales, toutes mesures destinées à combattre les désordres provoqués par le développement de la précarité et la réduction de la protection sociale. Le livre s’écoulera à plus de 100 000 exemplaires.
À la fin des sombres années 1990, les critiques ciblées du capitalisme mondialisé, de ses hommes de main de la presse et du terrorisme policier mis en place pour garantir le bon fonctionnement du système auront touché une masse de lecteurs. Des lecteurs dont tout laisse à penser qu’ils étaient à la recherche d’outils pour appréhender – et combattre ? – une époque où s’aggravaient brutalement les conditions de vie. Une dizaine d’années plus tard, ce sont plus d’un million de personnes qui se reconnaissent dans le best-seller de Stéphane Hessel – Indignez-vous ! (Indigène Éditions) – où l’on peut lire : « Aussi bien du côté des oppresseurs que des opprimés, il faut arriver à une négociation pour faire disparaître l’oppression… »
Si ce n’était le respect dû au très honorable Stéphane Hessel, nous serions tentés de douter de la grande bienveillance des oppresseurs prêts, comme chacun sait, à lâcher pouvoir et richesses sans qu’aucun rapport de force ne l’impose. Esprit d’une époque ? Succès d’un ouvrage séditieux ? Ou victoire d’un conformisme rassurant auquel, tels des naufragés, l’on s’accroche sans même se débattre ? « Nous nous grisons discrètement de nos indignations magnanimes, de la générosité de nos émotions, de nos serrements de cœur sous-tendus par la satisfaction, plus discrète encore, de n’être que des spectateurs… », comme l’écrivait justement Viviane Forrester.
Cet article a été publié dans
CQFD n°89 (mai 2011)
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Paru dans CQFD n°89 (mai 2011)
Dans la rubrique Faux amis
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Mis en ligne le 11.07.2011
Dans CQFD n°89 (mai 2011)
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31 août 2011, 18:18
Il faut vivre sa vie et si ces petit puceron qu ils sont nous embête ont les écrasent comme une petite crotte, voilà si les gens sont tous à la botte des banquier et qu’il ne pensent qu en terme d argent bas moi je peut rien faire pour eux et toi non plus.