Bouquin
L’anar chic
Il fut un temps où la presse n’y allait pas avec le dos de la cuillère. Un temps où les journalistes se battaient en duel, ou se retrouvaient régulièrement derrière les barreaux après avoir cogné l’argousin ou flatté de leur canne des camelots du roi tout aussi énergiques.
Miguel Almereyda (1883-1917), orphelin, connut la prison très jeune : la fameuse Petite Roquette. Il y rencontra alors les seuls vrais amis des embastillés : les anarchistes. En ce début de siècle, ils sont légion et divisés. Après un passage au Libertaire, Vigo dit Almereyda va rejoindre les plus polémistes à la Guerre sociale, l’un des journaux qui est plus qu’à son tour saisi par le gouvernement. Il y rencontrera notamment Gustave Hervé, socialiste et hôte régulier des geôles pour ses engagements pour les grèves ou l’antimilitarisme (il basculera ensuite vers le fascisme).
Beau gosse, Almereyda aimait la fringue et les bons restaurants. Ce qui le poussa peut-être à la création du Bonnet rouge, publication anarchiste ouverte aux socialistes mais financée par un ministre. Vigo fut un polémiste implacable et un secrétaire de rédaction brillant. Son parcours le poussa à fonder diverses associations rassemblant la gauche jusqu’aux anarchistes telle l’AIA (Association internationale antimilitariste) et à diriger une milice armée pour se défendre des attaques des mouvements concurrents.
Sa fin, où il rallie les va-t-en-guerre de 1914 comme nombre de syndicalistes et d’antimilitaristes, décourage la pensée. Le travail remarquable d’Anne Steiner montre ce regret, autant qu’un grand attachement au père du futur Jean Vigo.
– Révolutionnaire & dandy. Vigo dit Almereyda, Anne Steiner, L’Échappée, Paris, 2020, 301 pages, 21 euros.
Cet article a été publié dans
Les échos du Chien rouge
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Paru dans Les échos du Chien rouge
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Mis en ligne le 10.09.2020
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