Je vais bien
Dans une voiture du métro, une petite blonde bien en chair dont le corsage décolleté dévoile les bretelles de son soutien-gorge interprète Véronique Sanson en braillant : « Quand on a personne/ On se sent tellement minable/ On voit des choses abominables/ On se demande s’il vaut mieux pas passer ailleurs… »
Insupportable, interminable ! On la paierait bien pour qu’elle passe ailleurs, mais elle ne fait même pas la quête. Interrompue par le « Ta gueule ! » que lui profère un passager excédé, elle s’adresse avec aplomb à l’assistance indifférente : « Je ne fais pas ça pour l’argent, moi… en plus, ça me casse la voix ! Je vous le confesse, c’est fini l’hôpital psychiatrique. Maintenant je vais bien, je m’en suis sortie grâce au chant, je suis heureuse ! »
Elle quitte d’un air digne le wagon à la station Art-et-Métiers, reprenant avec plus de vigueur : « Quand on a personne/ On se sent tellement minable… », pour gagner d’un pas alerte le compartiment suivant, d’où sa voix nous parvient agréablement assourdie et lointaine.
Cet article a été publié dans
CQFD n°132 (mai 2015)
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Paru dans CQFD n°132 (mai 2015)
Dans la rubrique Quai des miracles
Par
Illustré par Thierry Guitard
Mis en ligne le 24.06.2015
Dans CQFD n°132 (mai 2015)
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