Hommage : « Le mariage, c’est le tombeau de la femme »
Voilà une phrase sans ambages que l’on doit à Thérèse Clerc, militante féministe qui vient de mourir, le 16 février dernier (2016), à Montreuil. Le mot le plus approprié pour parler d’elle est assurément le mot « acte », car Thérèse n’était pas de celles qui parlent, réfléchissent et écrivent, car, avant toute chose, elle faisait. Si bien qu’on lui doit, entre autres, la Maison des femmes (MDF) ou encore la maison de retraite autogérée des Babayagas à Montreuil.
C’est après mai-68 que Thérèse plaque son mari et une vie bien trop conformiste pour vivre pleinement « sa » vie, sans contraintes maritales ni morales. Elle va alors afficher et revendiquer sa bisexualité, aider les femmes à avorter clandestinement (et gratuitement), être de toutes les manifs pour la légalisation de l’avortement, créer la MDF, puis les Babayagas, un projet qu’elle aura tenu pendant quinze ans à bout de bras, et qui verra finalement le jour en 2013. Le moteur de son hyperactivité : une envie pleine et entière de disposer de son corps, de son temps et une increvable soif de justice sociale.
Elle laisse aux femmes d’aujourd’hui le soin de continuer ce combat, nous qui ne mesurons peut-être pas assez la violence et la dureté qu’ont connues nos aïeules pour avoir le « droit » de disposer de leur corps. Surtout à l’heure où fachos et consorts parlent de supprimer le Planning familial ou de leur conception de la famille : « Un papa + une maman, y a pas mieux pour un enfant. »
Entourée d’Armide et Jacqueline, deux responsables de la MDF, Thérèse a pris des générations de jeunes filles sous son aile. Sorona, à l’époque élève de bac pro, a effectué plusieurs stages à la MDF. Elle se rappelle une Thérèse à la forme olympique, physionomiste, et qui parlait ouvertement de cul. Un jour, cette dernière met en garde un groupe de filles concernant leurs vacances au pays : une jeune Montreuilloise vient d’y être mariée de force et n’a pu échapper à la nasse que grâce à une tonique mobilisation. Sorona lui lance : « C’est moi la jeune Montreuilloise ! » Thérèse se prend d’amitié pour elle et, apprenant qu’elle loge toujours chez ses parents, ceux-là même qui l’ont mariée sans son consentement au Sénégal, réussit après moult tractations à lui obtenir un logement HLM.
Thérèse se souciait du sort des femmes, de celles qui sont le plus souvent en grande difficulté, c’est pourquoi elle a voulu créer la MDF, une structure ouverte à toutes, où personne ne juge les situations, où certaines ne viennent que pour le cours de gym ou l’atelier de peinture sur soie ; un endroit où la parole est libre et où des rapports de confiance se tissent.
Il y a des gens solaires qui donnent aux autres une force incroyable. Le simple fait de les rencontrer, de les écouter parler, donne envie de soulever des montagnes, l’impression soudain que tout devient possible. Dans le cas de Thérèse, si vieillir est un naufrage, alors échouons-nous tout de suite !
Cet article a été publié dans
CQFD n°141 (mars 2016)
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Paru dans CQFD n°141 (mars 2016)
Par
Illustré par Thierry Guitard
Mis en ligne le 21.05.2018
Dans CQFD n°141 (mars 2016)
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