Cap sur l’utopie

Grâce à la puissance du désir

Dans une de ses enflammantes conférences de 1887, William Morris précise que « le changement viendra quand les hommes désireront un nouveau monde qu’ils croiront possible ». Et il fait comprendre que « l’utopie n’est pas un château en Espagne, mais une projection mentale capable d’advenir à l’endroit même où l’on se trouve grâce à la puissance du désir ».
La couverture de « Critique de la raison automobile, William Morris ou la vie belle et créatrice » de Florent Bussy

Frigoussé par Florent Bussy, un prof de philo « zindigné » (c’est le titre de la revue1 où il sévit) à qui l’on doit une sympatoche Critique de la raison automobile, William Morris ou la vie belle et créatrice (éd. Le Passager clandestin) nous acoquine avec le principal penseur et tribun rebelle anglo-saxon du XIXe. Certes, ce petit livre d’introduction à une œuvre mutine historique-clé, à la croisée du socialisme utopique et du marxisme, n’est pas très très marrant mais quel satané défricheur que ce bonhomme William.

À l’instar d’un William Godwin, il prônait l’égalité et non la domination, le partage et non le profit, la beauté et non l’artifice, la solidarité et non l’égotisme, le plaisir et non l’ascétisme, la qualité et non la profusion, l’épanouissement personnel et social et non la servitude volontaire. Et il proposait qu’ « on fasse intervenir l’art dans tous les domaines de la vie pratique ». Il défendait sauvagement la nature contre la civilisation tel un Henry David Thoreau aux States. Il se méfiait du progrès, soutenant que celui-ci ne pouvait signifier que « l’amélioration des aménagements domestiques pour certains au détriment de la majorité ». Et dans son brûlot majeur Nouvelles de notre part (1890), Morris imaginait « la gratuité comme le ciment de la société et des échanges ».

Mais ce n’étaient pas là que des mots. C’était tout de suite, proclamait-il, qu’on pouvait localement expérimenter des formes de rupture avec l’industrialisme, le commercialisme et le gaspillage. C’est tout de suite qu’on pouvait créer des Zad libertaires sans pénurie, sans hiérarchies, sans travaux imposés, sans culte de la souffrance ou de l’ennui où, dans le rejet de toute logique consumériste et de « l’omniprésence des ersatz », « chacun puisse exercer pleinement ses facultés : son intelligence, son savoir-faire, sa créativité ». « C’est en s’appuyant sur les désirs humains qu’une révolution radicale est possible. Il convient de faire entrevoir l’usage libre des facultés, les bénéfices que chacun puisse tirer d’une nature préservée, d’un travail agréable, de productions utiles et belles et de la gratuité de la coopération. Mais tout est fait pour verrouiller les désirs, pour éviter qu’ils ne s’expriment librement. »

Les mots de la fin à l’intention des Gilets jaunes. Dans une de ses enflammantes conférences de 1887, William Morris précise que « le changement viendra quand les hommes désireront un nouveau monde qu’ils croiront possible ». Et il fait comprendre d’autre part que « l’utopie n’est pas un château en Espagne, mais une projection mentale capable d’advenir à l’endroit même où l’on se trouve grâce à la puissance du désir ».

Cap sur l’utopie !

Noël Godin

1 Les Zindigné(e)s !

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