Les chômeurs dans le viseur
Fainéant dis merci à ton coach !
Ce jour-là, vous êtes une bonne vingtaine de demandeurs d’emploi convoqués par Popôle Saint-Charles, à Marseille, mais la liste de présence que la jeune conseillère fait tourner ne correspond pas au groupe rassemblé là. Alors elle vous demande d’ajouter vos noms, prénoms et identifiants à la main, à la suite de ceux d’une trentaine de glorieux absents, ce qui prend un certain temps. Goguenard, un gars qui semble avoir autre chose à foutre de sa matinée fait remarquer que la date de convocation est le 8 novembre... 2015. La conseillère préfère en rire : « Ah ben, on n’est pas en avance, alors ! »
Armée d’un triste PowerPoint, elle finit par annoncer, sans trop d’enthousiasme, le lancement du fameux plan Activ’Emploi. Ce qui revient à reconnaître, pour elle et son collègue qui l’épaule sans trop savoir à quoi s’en tenir, leur obsolescence programmée en tant que conseillers. Car, en clair, Pôle emploi va sous-traiter votre accompagnement à une start-up du coaching, sans doute pour libérer ses agents des contingences du trivial contact humain. Ils auront ainsi toute latitude pour se consacrer à la saisie des dossiers et à la traque des glandeurs.
Dix jours plus tard, te voilà reçu par la start-up dans un micro-burlingue au 9e étage d’un building des beaux quartiers. Au bout de cinq minutes, la dame te lâche : « Votre langage corporel me dit que vous croyez ne pas avoir besoin de moi. » Puis elle te parle de « marché caché » et de « mise en valeur de [tes] compétences ». Au bout d’une demi-heure, tu signes un contrat te liant à ton nouveau coach pour quatre mois, avec trois rencontres obligatoires (sous peine de radiation), la prochaine en janvier et un bilan début mars. Si elle te trouve du boulot, la start-up touchera un succulent bonus pour améliorer l’émolument fixe qu’a allongé Pôle emploi pour ne plus s’occuper de ce dont il ne s’occupe déjà plus depuis des années : aider le chomdu à trouver du taf.
Comme les syndicats ont protesté face à ce qu’ils dénoncent comme le cheval de Troie d’une privatisation future de la gestion du chômage, l’agent au PowerPoint vous a bien précisé que vous pourrez refuser de participer au programme à la fin du premier entretien si vous n’êtes pas convaincus de son utilité. Mais tu sais que si tu dis non, tu risques d’être mal vu par Pôle emploi. Doncques tu expérimentes – subjonctif du verbe expérimentir, selon le petit Johnny Hallyday illustré. Sous peine de radiation.
Cet article a été publié dans
CQFD n°160 (décembre 2017)
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Paru dans CQFD n°160 (décembre 2017)
Par
Illustré par Pirikk
Mis en ligne le 03.01.2018
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3 janvier 2018, 17:22, par carla
Eh oui, j’ai dejà experimentè tout ça, dans le cadre d’une offre de formation, avec une coach elle aussi precaire, plus precaire que moi. finalment, la formation que j’avais choisi n’etait pas ouverte aux personnes dans mes conditions, mais j’imagine que le sous-traitant soit etè quand-mème payè pour son coaching-bidon, alors que on m’a laissè sans aucun revenu pour 4 mois.