L’édito du 194

Complots à ciel ouvert

Nul besoin d’aller s’inventer des vaccins via lesquels Bill Gates nous injecterait des puces 5G permettant de nous localiser en temps réel. Le plus souvent, la société de surveillance généralisée se construit sans masque, en pleine et aveuglante lumière brune.

Pitain, ça s’est engueulé grave le mois dernier. Pas à CQFD, hein, vu qu’ici, quoi qu’il arrive, l’équipe reste soudée comme le crochet au moignon du capitaine. C’est plutôt dans les familles que ça a vertement tangué, heu, tancé, le soir précédant Jésus’ birthday. La presse avait même prévenu. Ben oui, en cette période, il faut bien trouver des sujets mag’ pour remplir les pages, l’actualité ayant généralement signé la même trêve que les confiseurs. Du coup on angle sur le marché de Noël et sur la soirée du 24 qui pourrait tourner au sanglant dîner-pugilat. « Entre complotisme, masque et vaccin : comment éviter que le Covid-19 devienne un sujet de discorde à Noël », titrait Le Figaro le 24 décembre. « Fêtes de fin d’année : comment répondre aux propos complotistes en famille ? », renchérissait le même jour le site de RTL. « Covid-19, vaccins, complot… Notre guide pour vos débats en famille à Noël », complétait celui du Parisien, pour les étourdis qui auraient raté la trépidante course à l’échalote journalistique. L’info, la vraie.

Et à dire vrai, ils n’avaient pas complètement tort. Certains ont dû naviguer à vue le soir de Noël, une main sur la fourchette à escargots, l’autre sur la barre, pour éviter les récifs placés de-ci de-là par tata Josette ou le mari relou de la cousine. Oh, bordel, un rocher Chloroquine ! À bâbord toute ! Là, un banc de sable sur « les-masques-ça-sert-jamais-à-rien » ! On hisse la grand-voile et vent arrière direction la cuisine, où une vague de 15 mètres chargée de vaccin ARN/ ADN nous prend par le flanc juste à la sortie de l’évier, alors qu’on venait gentiment chercher un glaçon pour refroidir la soupe de la petite dernière. Trop, c’est trop ! Armez les canons ! Aux boutefeux ! Finalement, on préférera abandonner le navire plutôt que de rejouer, sans panache, avec un bout de langoustine coincé dans les ratiches, la bataille de Trafalgar – cela donnerait trop raison aux journalistes de la presse mainstream ayant écopé de la permanence du 24 décembre. Et puis, surtout, on aurait bien aimé profiter de ce moment pour évoquer les vraies attaques gouvernementales. Car pas besoin d’imaginer de complots autour du Covid-19. Il suffit de regarder ce qui se passe au quotidien, à la vue de tous, pour avoir les mégaboules (de Noël).

Un exemple ? Le 18 décembre, le très pointu site Dalloz actualité (« le quotidien du droit ») a publié un papier indiquant que « de nombreuses dispositions ont été ajoutées à la loi de finances 2021, qui a été définitivement adoptée [...]. Parmi elles, le renforcement du contrôle des chômeurs. » On peut y lire ceci : « Introduit par le Sénat, l’article 73 bis crée un droit de communication pour les agents de Pôle emploi chargés de la répression des fraudes. Ces agents pourront obtenir auprès d’un certain nombre d’organismes ou d’entreprises les documents et informations nécessaires aux vérifications. L’idée est notamment d’obtenir les relevés bancaires et téléphoniques des allocataires soupçonnés de fraudes. » Rien. Que. Ça.

Nul besoin donc d’aller s’inventer des vaccins via lesquels Bill Gates nous injecterait des puces 5G permettant de nous localiser en temps réel. Le plus souvent, la société de surveillance généralisée se construit sans masque, en pleine et aveuglante lumière brune. Reste cependant une question : le professeur Didier Raoult et un chômeur en fin de droits sont dans un bateau ; quand le 15 du mois arrive, qui se retrouve sous l’eau ?

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