Brèves du 92

Toi, tea viré ! > Les salariés de Fralib, une filière des marques Lipton et Éléphant installée dans la périphérie de Marseille, auront passé tout l’été à surveiller leur usine pour s’assurer que la direction ne déménage pas les machines en douce. Unilever, la société-mère, avait déposé fin 2010 un plan social, préalable à la fermeture de la boîte, qui fut invalidé par le tribunal. Dans le même temps, les syndicats présentaient un plan de reprise qui proposait la création d’une coopérative utilisant des matières premières locales et prohibant l’utilisation d’arômes chimiques. Il fut avalisé par le comité d’entreprise. Mais, fin août, les premières lettres de licenciement arrivent. Le 2 septembre, les salariés décident d’occuper leur entreprise. « On veut conserver le site, et qu’Unilever nous donne la marque », dit Gérard Carloza, secrétaire de la CGT. Donner ? Voilà qui n’est pas vraiment la tasse de thé des patrons.

Boycottons à foison > Appeler au boycott des produits israéliens, ce n’est pas antisémite. Ni une incitation à la haine. C’est la conclusion rendue le 8 juillet dernier par la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris dans le jugement qui opposait le gouvernement français et des associations pro-israéliennes à Olivia Zemor. Militante de la cause palestinienne, elle avait diffusé une vidéo d’une action de boycott dans un supermarché Carrefour. « Les attendus de ce jugement […] ont été très explicites sur notre droit absolu, en tant que citoyens, à appeler au boycott d’un pays ou de ses produits, quand notre conscience nous le dicte », se réjouit l’association CAPJPO-EuroPalestine. Non mais !

Tchernobyl ? Connais pas… > Ça y est, l’affaire du fameux nuage radioactif de Tchernobyl est bouclée ! La cour d’appel de Paris vient de prononcer un non-lieu à l’encontre du professeur Pellerin, seul mis en examen dans le cadre de l’enquête menée sur les impacts du nuage de Tchernobyl en France et accusé d’avoir menti sur l’ampleur de la contamination. Au printemps 1986, juste après l’explosion nucléaire, l’ancien patron du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) assurait que le nuage s’était arrêté à la frontière française. « Il ne menace actuellement personne. Sauf peut-être dans le voisinage immédiat de l’usine, et encore… La santé n’est absolument pas menacée aujourd’hui », affirmait-il au journal télévisé. Ce procès devait permettre de mesurer les conséquences sanitaires de l’accident. C’était oublier que dans le radieux monde du nucléaire, tout va bien… L’Association française des malades de la thyroïde et la Crii-rad annoncent se pourvoir en cassation. De bienvenus têtus, ceux-là !

RATP : retour aux sources > « Des hommes et des femmes portant des ballots, poussant des chariots, parfois avec des enfants dans les bras, sont descendus avec des policiers qui les ont conduits vers la gare RER pour une destination inconnue », raconte le conseiller général communiste Gilles Garnier au Parisien (01/09/11). On est le 31 août et ces hommes, ces femmes et ces enfants sont des Roms expulsés d’un camp situé à Saint-Denis. Ils ont été conduits jusqu’à Noisy-le-Sec dans une rame de la ligne de tramway T1 spécialement « mise à disposition par la RATP ». Dites, y aurait pas comme une odeur, là ?

Tu bloques, t’obtiens > Le 30 août, une centaine de salariés ont bloqué l’usine Terex de Saint-Vallier (Saône-et-Loire). Ils réclamaient des augmentations de salaires, des sanctions contre des petits chefs qui font régner une sale ambiance dans les ateliers et l’arrêt de l’obligation des heures supplémentaires. Des forains installés à proximité sont venus offrir des entrées gratuites pour les enfants. Des commerçants locaux et le directeur d’un supermarché ont apporté des victuailles aux grévistes. Des salariés d’entreprises voisines sont venus soutenir le piquet. La direction a exigé la levée des barrages avant d’entamer toutes négociations, mais les salariés ont refusé. Au sixième jour, le travail a repris après que les tauliers ont concédé le paiement d’une prime et la levée des contraintes sur les heures supplémentaires. C’est toujours ça de repris…

En avant la musique > En 2008, selon le dernier rapport annuel de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits, les vingt-six boîtes spécialisées dans la récolte des droits d’auteur (elles étaient trois jusqu’en 1985) ont collecté 1,26 milliard d’euros. « Ces montants sont en augmentation rapide. Ils ont progressé de 35 % entre 2000 et 2008, et pourraient frôler les 1,5 milliard d’euros en 2010 », écrit l’UFC Que choisir, qui a décortiqué le rapport. Problème : ces sociétés de perception se sucrent allégrement au passage. « Les créateurs profiteraient peut-être davantage de cette progression des revenus des droits d’auteur si la machine qui sert à les collecter n’était pas d’une inefficacité prodigieuse », poursuit l’UFC. Et vous qui pensiez que tout était la faute du téléchargement illégal !

Petites économies > Par décret, le 20 juillet dernier, le gouvernement a décidé de diminuer le nombre de personnes travaillant à l’encadrement dans les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). D’un salarié pour dix « usagers », la norme passera au 1er janvier 2012 à une fourchette comprise entre un pour dix et un pour quinze. Selon l’association France-Terre d’Asile, 400 postes de travailleurs sociaux sont menacés… En Seine-Saint-Denis, depuis le 1er septembre, c’est le président du conseil général qui a décidé de ne plus accueillir les mineurs isolés étrangers dans les structures de l’aide sociale à l’enfance. Tout cet argent gaspillé pour des étrangers, c’est vrai que ça faisait mal au cœur.

Affrontements inter-pauvres > Tout un quartier qui se soulève ? Pas si simple, a priori, à Tottenham. Pauvre et multi-ethnique, mais organisé en communautés, le quartier n’est pas un lieu d’unité entre défavorisés. Ozgur, vingt-neuf ans, est arrivé en Angleterre à l’âge de dix ans. Kurde, il vit aujourd’hui d’allocations et de la revente sur les marchés d’objets acquis de-ci, de-là, entre galère et débrouille, comme de nombreux habitants de Tottenham. Ce qui peut surprendre, c’est son discours sur les émeutes : « Un truc de drogués et de criminels, selon lui. Un matin, pendant les émeutes, mon frère a acheté dans la rue une Nintendo DS encore dans sa boîte, pour cinq livres. Elle en vaut cent en magasin… Il n’y a que des drogués pour faire ça ! » Sans doute aurait-il réagi différemment si, au lieu d’un Noir, la police avait abattu un Kurde. Et il n’aurait sûrement rien eu contre quelques écrans plasma. Aujourd’hui pourtant, il est plutôt fier du fait que des amis kurdes aient défendu leurs échoppes bâton à la main. « Ils ont passé dix ans de leur vie à les faire, ces boutiques, ils n’allaient pas les laisser brûler comme ça », explique-t-il. À Tottenham, ces communautés se côtoient ou s’affrontent. Pas plus.

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