Brèves du 82

« Petite annonce discrète » > L’Acta a le plaisir d’annoncer la publication prochaine du traité international qui vient d’être finalisé par ses soins. L’Acta ? L’Accord commercial anti-contrefaçon, qui réunit les pays riches : quelque chose qui ressemblerait à une sorte de G20 non-officiel. Anti-contrefaçon ? Tout ce qui va depuis la production de médicaments génériques jusqu’au téléchargement illégal de films sur Internet, autrement dit une protection très très complète des droits de propriété intellectuelle. Un traité international ? Mais oui, un traité, négocié depuis 2007 dans le plus grand secret, qui donnerait des pouvoirs de surveillance et de répression accrue aux États, cela va sans dire. Et si on se mettait à en causer beaucoup moins discrètement avant qu’on nous le refourgue en contrebande ?

« Grève » > La grève ! Oui, la grève ! Générale, reconductible, sauvage. Port, trains, chimie, hosto, bahuts, facs, routiers, télé, EDF ! Partout la grève ! Yes ! Hop, hop ! Blocages des routes, péages, terminaux. Coupures de jus ! Ouais ! Occupations des bâtiments ! Boum ! Enfin ! Ça va le faire ! On y est presque ! Ça vibre, ça tremble, ça frétille ! La rue à nous ! Pas la peine de mettre un cierge à la Bonne-Mère, tu sens pas que ça vient ? Oui ! Non !… Ma foi !

« Un flic peut en cacher un autre » > Instructive vidéo réalisée lors de la grande manif intersyndicale du 29 septembre à Bruxelles : on y voit les flics arrêter préventivement et bastonner généreusement. Les manifestants s’échauffent, protestent et crient « Liberté ! », « No border, no nation, stop deportation ! » Un membre du service d’ordre, mégaphone à la main, entonne un refrain différent : « Restez calmes ! Laissez tomber ! Les policiers sont des travailleurs comme nous. Laissez-les tranquilles ! Laissez-les faire leur boulot ! » Ben voyons ! C’est pas plutôt les SO syndicaux qui sont des flics comme les autres ?

« Inspiration ibérique » > Piquets d’information avec vouvouzelas et pétards devant les banques, assemblées de quartier, débats sur l’économie solidaire, trois voitures de police parties en fumée, occupation du siège d’un ancien organisme de crédit avec affichage de banderoles sur le mode « Les banques nous étouffent, le patronat nous exploite, les politiques nous mentent, les syndicats nous vendent. Aux chiottes ! » ou « Ce n’est pas la crise, c’est le capitalisme. » : eh oui eh oui, tu l’as deviné, c’est pas chez nous… mais c’est pas non plus une pure utopie. Ça s’est passé à Barcelone le 29 septembre : y a pas à dire, nos cousins catalans savent mener une grève générale.

« Dignité de la femme » > Le label Decca, filiale de Vivendi-Universal, va sortir un album de chants grégoriens commis par des nonnes, surfant ainsi sur une tendance à la haute spiritualité mercantile. Les futures stars sont des moniales bénédictines du Barroux (Vaucluse), une abbaye intégriste où elles vivent recluses dans la non-mixité, couvertes d’un voile quasi intégral et dans l’adoration extatique d’un gourou que d’aucuns prétendent mort et ressuscité il y a plus de 2 000 ans. « Afin que soit respectée l’intimité des soeurs, lit-on dans Le Dauphiné libéré du 28 juillet dernier, le directeur général de Decca Records a remis le contrat aux religieuses cloîtrées à travers une grille de barreaux de bois, qui sépare ces dernières du monde extérieur. » Au nom de la république et de Manuel Valls, arrachons leur voile et libérons-les de l’obscurantisme. Et qu’elles chantent du R’n’B, foutredieu !

« Défiscalisation » > Enchantée de voir l’éxécutant Kerviel porter seul le chapeau de ses faramineuses pertes, la Société Générale se fait généreuse : elle ne lui réclamera pas les 4,9 milliards évaporés dans les limbes du boursicotage virtuel. De toutes façons, il aurait mis 10 000 ans à rembourser. Mais un détail n’a pas échappé au Télégramme de Brest du 10 octobre : « La fiscalité des sociétés leur permet de bénéficier, en cas de pertes exceptionnelles sur un exercice donné, d’une déduction d’impôt. Elle atteint un tiers de la somme perdue, soit le taux d’imposition normal des sociétés. […] La SG a récupéré 1,7 milliard d’euros sur les 4,9 milliards perdus en 2008. » Si tu as paumé ton emploi lors de l’année fiscale en cours, pense à réclamer toi aussi ton exonération. Ils vont sûrement te l’accorder, y a pas de raison.

« Un bulldozer ? Quel bulldozer ? » > Nos collègues du mensuel Le Ravi ont débusqué de sacrés scoops en organisant un débat sur Marseille capitale européenne de la culture 2013. Première perle, sortie du museau UMPiste de Renaud Muselier : « Non, il n’y a pas de gentrification à Marseille. Ce n’est pas parce qu’on vient voir un spectacle qu’on s’installe. » Et le PS Patrick Menucci d’abonder : « Si je pouvais avoir un exemple de gentrification [dans les quartiers populaires de] Belsunce ou Noailles, ça ne me dérangerait pas. Mais je n’y crois pas, Marseille Provence 2013 n’est pas un événement assez important. » Puisque ce sont le président de l’association « Pensons le Grand Marseille » et un membre du CA d’Euroméditerranée (vaste projet d’urbanisme rêvant Marseille en mégapole techno-financiaro-culturelle) qui vous le disent…

« Liberté de manifester ? » > Des dizaines d’arrestations préventives, un millier de gardes à vue, une centaine de libérations conditionnées par le fait de « ne pas participer à des manifestations publiques » et un gars arrêté pour avoir « violé cette condition » en prenant part… à un débat universitaire : ça, c’était au Canada avant, pendant et après le sommet du G20 de juin dernier. Des centaines d’arrestations, préventives pour la plupart, de clowns, de gens un peu trop groupés ou trop proches d’un camp No-Border : ça, c’était à Bruxelles fin septembre, lors de la Semaine pour la liberté de circulation et de la manifestation européenne contre la précarité. Ne reste plus qu’à organiser des manifs préventives.

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Paru dans CQFD n°82 (octobre 2010)
Dans la rubrique En bref

Par L’équipe de CQFD
Mis en ligne le 25.02.2011