Dossier « La police tue »

Bobigny ne se rend pas

On l’a croisé le samedi 11 février (2017) à Bobigny, à proximité d’un car régie de RTL transformé en brasero. Samy, 27 ans, du « département 99 », était venu participer au rassemblement contre les violences policières organisé à la suite du calvaire de Théo à Aulnay-sous-Bois. Souriant, prodiguant conseils de prudence et éléments d’analyse stratégique, Samy distribuait à pleines mains des doses de sérum physiologique. Et impressionnait par son calme face aux tirs de Flash-Ball qui crépitaient. Il nous a envoyé ce témoignage.
Bobigny, hiver 2017 / Photo Yann Lévy (Hans Lucas)

Lorsqu’on a débarqué sur la place, impossible d’entendre les prises de parole, trop de monde, foule trop dense. Au-dessus de nous, sur le pont menant au très symbolique TGI de Boboche (celui-là même qui a relaxé les responsables de la mort de Zyed et Bouna et qui la veille encore condamnait à de la prison ferme des mecs refusant que la police viole et tue impunément), des flics en faction équipés anti-émeute, représentants de l’ordre néo-colonial en marche dans les banlieues françaises. Autour de nous, un dispositif monstrueux pour une manifestation pourtant déclarée.

Bobigny, hiver 2017 / Photo Yann Lévy (Hans Lucas)

Quand volent les premières bouteilles, la police boucle la place, devenue une nasse géante rapidement noyée sous des flots de lacrymo. Les flics tirent au LBD depuis le pont. On fuit un merdier pour se jeter dans un autre. Nos stocks de sérum physio’ passent de main en main, entre manifestants fraternels mais dépassés, plus habitués aux violences policières racistes et quotidiennes qu’à la répression militarisée des mouvements contestataires.

Bobigny, hiver 2017 / Photo Yann Lévy (Hans Lucas)

Quand la nuit tombe, il faut trouver rapidement un moyen de s’en sortir, esquiver les voitures de flics déboulant dans la foule, la pluie incessante des palets lacrymogènes et des grenades désencerclantes qu’on ne voit pas arriver, les tirs tendus au flash-ball. Finalement seul, je me tire par le canal, laissant quelques camarades autonomes continuer la résistance sur l’autoroute.

Bobigny, hiver 2017 / Photo Yann Lévy (Hans Lucas)

On a salement trinqué pendant ces cinq heures, mais nous avons apporté le nombre pour Théo, Adama Traoré, Amadou Koumé, Amine Bentounsi, Zyed, Bouna et tant d’autres, chez nous, dans les territoires périphériques, ceux des Noirs, des Maghrébins, des racisés, de tous les descendantes et descendants de colonisés, les restes du département 99, toujours sous le coup d’un régime d’exception face auquel nous ne comptons pas abdiquer.

Samy
Bobigny, hiver 2017 / Photo Yann Lévy (Hans Lucas)
Photos Yann Lévy (Hans Lucas)
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