Au-delà de son histoire plutôt classique pour la startup nation (optimisation fiscale, data business, fonds publics et magouilles [1]), BlaBlaCar a aussi réussi à s’imposer en exploitant quelques faux-semblants que l’auteur s’attelle à déconstruire. Loin d’être convivial ou économique, le covoiturage n’a ici plus rien d’un simple partage des frais étant donné que « la plateforme incite les conducteurs à fixer leur prix en fonction des autres offres », et non en fonction du nombre de personnes à bord. Et elle n’est pas non plus écolo [2] : dans le cas de trajet longue distance en France, deux tiers des passager·es délaisseraient le train [3] pour le covoiturage ! Une concurrence aux transports publics qui a de quoi plaire à Vinci Autoroutes et Total avec lesquelles BlaBlaCar collabore pour que vive le tout-voiture.
Plus subtil, la firme s’est aussi imposée par sa capacité à « rassurer », c’est-à-dire à nourrir une méfiance à laquelle elle prétend amener des solutions. Face aux risques d’annulation, de resquille ou de « problèmes », son mode de paiement unique lui permet surtout de contrôler les prix pour qu’ils ne soient pas trop bas, d’éviter tout arrangement entre les usager·es et lui garantit une commission systématique qu’elle peut augmenter à l’envi. Pour le côté humain, le système de notation entre pairs et le profiling engendrent un contrôle social prétendant faciliter « l’expérience BlaBlaCar », alors qu’il l’aseptise pour la réduire à un service marchand.
Reste à savoir si on peut se réapproprier le covoiturage. Selon l’auteur, cela passe notamment par la mise en place d’une plateforme à vocation non lucrative et cogérée par les utilisateur·ices, la réquisition de BlaBlaCar dont la position dominante empêche toute alternative d’émerger et une nécessaire reprise en main de nos mobilités face à une multinationale qui n’a qu’une vocation : « Rendre captifs des gens pas fortunés pour enrichir des financiers ».
[/Par Jonas Schnyder/]