Au fil des pages et des portraits, les échanges culinaires immergent dans la vie bouillonnante de Marseille, deviennent les « évocations intimes » de parcours de vie particuliers et de souvenirs familiaux d’ici ou d’ailleurs. Et, en fond, c’est tout le tissu social et associatif du quartier qui transparaît. « Noailles, en vrai ça va, raconte Maïssa, douze ans, en parlant d’œufs tomates à la marocaine. Mais juste, y’a certaines personnes qui sont un peu folles et un peu bizarres, mais sinon ça va. Je trouve que c’est un beau quartier […] il y a plusieurs cultures mélangées, c’est ça que j’aime bien ici aussi. » Jebril, 10 ans, dont le cœur balance entre le riz aux calamars et la tortilla aux oignons, évoque aussi Noailles : « C’est un quartier pauvre mais, franchement, ils se connaissent largement tous, c’est bien, c’est l’harmonie. J’aime bien quand tout le monde se connaît. » Il parle aussi de l’association Because U Art, qui lui a permis de jouer dans un orchestre, tandis qu’Abasse, onze ans, qui partage la recette du mkatre goudou goudou comorien, raconte comment il est accompagné dans sa scolarité par les bénévoles de l’association Destination Familles.
Loin d’être un livre de cuisine – ni quantités précises ni mode d’emploi technique – la revue est tout aussi vivante que les quartiers qu’elle donne à voir. Et depuis 2020, elle emmène qui a la curiosité de la lire dans les salons de coiffure de Noailles, à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de La Valentine, en terrasse au Bar du Peuple, dans l’animée rue de l’Académie, ou à un banquet à ciel ouvert dans le quartier d’Air Bel, dans le 11e arrondissement. Des mondes à portée d’assiette.
[/Par Jonas Schnyder/]