Vivre décemment de son travail et jouir des mêmes droits sociaux que les autres travailleurs
Les revendications sont variées, mais peuvent se résumer ainsi : vivre décemment de son travail et jouir des mêmes droits sociaux que les autres travailleurs. Car, si le statut d’artiste-auteur garantit une couverture santé, l’obtention d’arrêts maladie relève du parcours du combattant. Côté retraites, c’est encore pire. En 2020, on s’avisa que près de 190 000 artistes-auteurs – ceux dont les revenus annuels étaient inférieurs à 900 fois le Smic horaire (soit environ 9 000 euros par an) – ne toucheraient… rien [2]. La pension des plus chanceux est le reflet du niveau de rémunération : 600 euros en moyenne. L’organisme gérant la retraite complémentaire obligatoire, l’Ircec, est quant à lui redouté pour ses méthodes d’extorsion, dignes du banditisme de grand chemin ; mobilisées, ses victimes s’efforcent actuellement de lui faire rendre gorge [3].
[|« Rassembler sans se regarder le nombril »|]
En voie de radicalisation accélérée, un nombre croissant d’artistes-auteurs réclament aujourd’hui un revenu de remplacement, équivalant aux indemnités des intermittents du spectacle, permettant de survivre entre deux commandes. Ce combat est en particulier le cheval de bataille du Syndicat des travailleur·ses artistes-auteur·ices (Staa), créé en 2020 et affilié au syndicat anarchiste CNT-SO, qui s’inspire notamment des réflexions d’Aurélien Catin dans son petit ouvrage Notre condition – Essai sur le salaire au travail artistique (Riot éditions). Le Staa s’inscrit ainsi en faux contre les organisations professionnelles, corporatistes de tradition, qui tendent à réclamer pour les artistes-auteurs des aides spécifiques afin qu’ils puissent dégager le temps nécessaire pour créer. « Nous voulons avoir droit au chômage, non pas parce que nous sommes des artistes mais parce que nous faisons partie d’une industrie », insiste la traductrice Marie Causse, co-fondatrice du Staa. Et d’une industrie où le fric ne manque pas, c’est le moins qu’on puisse dire.
Chez les artistes-auteurs, le mouvement contre la réforme des retraites rebat les cartes. En assemblée générale comme dans les manifs, « c’est sans doute une des premières fois que le monde de la culture rassemble des gens de toutes les disciplines sans se regarder le nombril », observe Marie. Car, explique une des fondatrices de La Buse, citée dans l’ouvrage de Julia Burtin Zortea, « si l’art est contemporain de quelque chose, c’est, entre autres, des Gilets jaunes et de la casse des retraites et de l’hôpital public ». Tonton Marx aurait pu décrire la dynamique qui voit des artistes-auteurs en cours de prolétarisation se politiser et acquérir une conscience de classe dépassant les intérêts de leur seul secteur d’activités. Bienvenue dans la lutte finale, camarades !
[/Laurent Perez/]